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Voyage d’Horus

lundi 27 octobre 2003, par Admin

Madère, 22 octobre 2003.
(Vous nous imaginez en vacances, les doigts de pied en éventail ? Ben non, cela n’est pas si simple. Par exemple, la bafouille que je vous adresse devait être hier soir sur le net, mais après une heure de dactylo sur un clavier espagnol, à vingt kilomètres d’ici, j’ai effleuré une touche qui a tout effacé.
Donc je reprends ce soir, et sachez que par soucis d’exactitude et d’honnêteté, je vous livre ce qui suit comme au premier jet, avec l’humeur du moment.)

Enfin, nous voilà dans le Grand Atlantique, là ou la terre est plus ronde. Toutes nos excuses a ceux qui auraient souhaité plus de nouvelles. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, la vie en bateau n’offre pas toujours le temps de se poser avec son carnet et de se concentrer sur la narration du voyage. Il y a sans arrêt des petits évènements qui détournent l’attention, ou qui imposent que l’on s’en occupe sans délai ; un vol d’oiseaux, une épave à la dérive, un écart de route, un bruit suspect, les levers et couchers de soleil, et surtout, le spectacle de la mer et du ciel, perpétuellement fascinants.

Vous me direz : « et les escales, alors ? »


Atmosphère

Là, il faut réparer, anticiper l’usure, finir les travaux sur le bateau, faire la sieste, prendre l’apéro avec les équipages de rencontre, bref, plus une minute à nous, d’autant plus qu’il faut aussi faire la vaisselle, les courses, les cours du cned, la lessive, et visiter l’endroit ou on s’est arrêté. C’est l’enfer !

Et encore d’autres raisons pour expliquer notre silence, et je n’aborderai plus le sujet parce que vous allez nous plaindre a la fin, mais je vous les livre parce qu’elles sont là, elles font partie du voyage : Par ou commencer, qu’est-ce qui est intéressant pour nos lecteurs, à quoi bon… On s’accoutume vite à cette vie de vagabond, tellement bien que parfois le regard des terriens nous renvoie une image de nous mêmes dont on sent qu’elle les dérange. Pensez à votre regard sur un camp de nomades et vous aurez une idée de ce dont je parle. Nous sommes en décalage, comme eux, et du coup, parler de nous nous semble inutile, déplacé.


Dauphins

Mais bon, on vous a promis des nouvelles, on ne regrette pas notre choix, on serait d’ailleurs parti plus tôt si on avait su a quel point cela nous convient, donc les voilà, les nouvelles !


Heureux !

Je reprends dans l’ordre nos escales, pour ceux qui n’auraient pas suivi.

La Corogne, la ville de cristal, chaude, accueillante, bouillonnante de vie, marina rustique mais comblant tous nos besoins, avec même un petit atelier ou j’ai pu réparer une pièce pour un mini6.50 en panne de tangon.

Bayona, à l’entrée de la Baie de Vigo, arrivée dans la brume au radar, sans apercevoir les magnifiques îles Ciès. Nous nous amarrons au ponton d’un yacht club trop royal pour nous, ambiance affreuse, on n’est pas assez chics. La ville est sympa, sans plus.

L’accueil Espagnol reste tout de même très agréable, chaleureux et bienveillant, la côte de Galice et des Asturies est magnifique, plus sauvage et altière que la Bretagne. Hélas, la crainte de l’automne approchant avec ses coups de vent associés nous fait rapidement poursuivre vers le sud.

Donc, après l’Espagne, le Portugal. D’abord Leixoes, Port de commerce d’où un bus nous emmène à Porto, qui vaut le détour si on a l’occasion d’y passer.


Jour de lessive

Puis, Peniche, vrai port de pêche avec de vrais morceaux d’abrutis de pêcheurs dedans, qui déboulent à dix nœuds dans le port avec des bateaux de trente mètres, entraînant chaque jour des avaries sur les bateaux de passage. On a crié un peu, ils se sont un peu calmés, à coup de projecteurs dans les passerelles, et on a passé une excellente semaine à se balader, bricoler, causer avec les voisins. Rencontres aussi, d’Emile et Francis, deux retraités amoureux de Péniche que nos bateaux de voyage font rêver, malgré le linge qu’on y accroche tout autour pour faire couleur locale, et qui ne trompe personne. Rencontre de Manu et de son bateau, un vrai fondu de pêche qui nous emmène pêcher à la ligne par trois cent mètres de fond, au grand bonheur des enfants. Rencontre enfin de deux autres bateaux avec qui nous naviguons de conserve depuis.

Escale suivante, Lisbonne. LA CAPITALE, sale et bruyante. Favelas de béton bariolé orné de superbes faïences (azuleros), bâtiments de commerce rappelant la prospérité du début du siècle, en ruines, édifices officiels pompeux, machins édifiés pour l’expo universelle de 98, anachroniques, marinas sans aucun service. Moi, j’aime pas les villes, je ne peux pas trouver Lisbonne « extra » ou lui donner je ne sait quel superlatif édifiant. C’est sale et bruyant. L’accueil varie du très sympa, rare, au très très con, pour la plupart des gens à qui nous n’avons finalement rien demandé faute de maîtriser le Lisbonien. C’est donc sans regrets que nous avons tourné le dos au vieux continent, pour l’archipel de Madère. Escale à Porto Santo (à vos cartes), île déshéritée aujourd’hui entièrement vouée au tourisme, avec les travers que cela induit. C’est sec, pas très beau, voire ignoble du point de vue architectural. Les agriculteurs ont définitivement cessé d’entretenir les terrasses édifiées par leurs ancêtres, laissant aux bétonneuses l’avenir esthétique de l’île, convoitée pour son exceptionnelle plage de sable blond.

Et pourtant, la voir surgir de l’eau, avec ses pics volcaniques qu’on aperçoit à huit heures de route, c’est sûrement aussi réjouissant que pour les premiers découvreurs. L’eau y est d’une clarté incroyable, et on y voit des poissons inconnus.

Vu l’accueil de l’adjudant féminin de la marina, et le peu d’intérêt du lieu, nous voilà le surlendemain à Madère. La petite baie où nous avions prévu de mouiller étant peu engageante sous la pluie, nous nous abritons derrière un mur de l’atlantique, dans une marina en construction, la plus chère de toutes depuis notre départ, sans aucun service (eau et électricité en supplément de la place), ni bistrot, ni ambiance. Faut dire que la falaise de cinquante mètres qui nous surplombe, les grillages et les caméras de surveillance, ça coupe l’ambiance ! Falaise impressionnante, pourpre et granuleuse, avec en son milieu une déesse de pierre sculptée par un hasard volcanique qui, avec l’éclairage nocturne de la marina, veille sur nous d’un œil sévère (genre déesse portugaise !)

On s’échappe le lendemain pour mouiller à Machico, petite ville de fond de vallée, d’où nous partirons à la découverte de Madère.

Machico ; ambiance « demain sera béton », travaux partout, mais c’est gratuit, le mouillage sur fond de sable noir semble sur, les gros thoniers canneurs à quai et le « gérant » de l’absence de structures nous plaisent. Après une première nuit agréable, un petite tempête nous amène une houle , une de ces houles…, qui vous empêche de dormir. On s’arrange en changeant de place, nous voilà amarrés avec les thoniers, c’est le voyage, pas toujours confortable, mais c’est sans importance.

Location d’une voiture, sillonnage (autorisez moi le néologisme qui s’impose) de l’île, Pfoooou ! On a pas les yeux assez grands tellement c’est grand, impressionnant, beau, haut, profond, vert, avec des variétés innombrables de plantes, des plantes partout, soignées, entretenues, la montagne apprivoisée, harmonieusement. Mais le béton est là aussi, et les nouveau riches, ou les anciens pauvres, connaissent enfin grâce à l’Europe les joies du désœuvrement, des accidents de voiture, et d’une modernisation très occidentale. La nature est ici tellement puissante qu’on se prend à espérer qu’elle surmontera les agressions…

C’est peut être l’accès brutal au monde moderne qui rend les portugais si difficiles à comprendre. Les enfants les appellent les « portupasgais », parce que généralement, ils font une tête d’enterrement. Ils peuvent être aussi aimables que désagréables, on dirait que l’étranger leur fait peur. En tout cas, le contact n’est généralement pas aisé avec eux. Dommage !

Voilà . Nous n’irons probablement pas mouiller a Funchal, la capitale, faute de place, et parce que nous préférons le bruit des moteurs des thoniers et des pelleteuses à celui des voitures et à l’odeur des frites. Prochaine escale aux Canaries, puis aux îles du Cap Vert.

Prochain journal… qui sait quand ?

Amitiés à tous, a bientôt,
Alex


Mon chez soi

PS de Gaëtane ; Bah, il ne vous dit pas tout, il doit être de mauvaise humeur, ou c’est parce qu’il ne fait pas beau. Il oublie de vous parler de la soirée « sardines grillées à Péniche », ou cinq équipages en goguette dans une gargote ont chanté toute la soirée, ramenés dans la bétaillère d’un 4X4 sous une bâche pour se protéger de la pluie, chantant « le troubaba » (salut Yann !) Il oublie les centaines de dauphins qui vous accompagnent, jouant à vous éclabousser en retombant de coté, les trois tortues croisées entre Lisbonne et Madère, le petit rouge-gorge à cinquante milles de la côte, venu se reposer sur le pont, les premières dorades coryphènes pêchées, la libellule rouge dégustant une mouche dans les filières, et puis le quart d’heure a palabrer en portu-anglo-franco-main pour demander une cartouche d’encre, et même si l’accueil à la Marina d’Abra (Quinto de Lorde) était déplorable, Madère, c’est magnifique.


Retour de soirée sardine

A Lisbonne, moi, j’ai fait les musées, pas les shipchandlers, c’était sûrement mieux.

Bises à tous, envoyez nous des nouvelles par mail, quand on trouve un cyber c’est sympa de vous lire.

Gaëtane.

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