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AOTEAROA, le pays du long nuage blanc, est enfin sorti de son hiver.

dimanche 30 janvier 2005, par Admin

Le jour où nous décidons de partir à la découverte de l’île du Nord, le soleil s’installe et nous fait vite oublier les journées de chien mouillé passées au mouillage.

Un saut à la poste de Whangarei, où les nouvelles sont rares mais excellentes. Les résultats scolaires de Quentin et Bérenger récompensent bien les heures pas toujours drôles passées sur leurs cahiers. Nous traversons vite Aukland et prenons la direction du Coromandel, à gauche en descendant. Au bout d’une plaine grise bordée d’une immensité de boue jaunâtre, on atteint la péninsule, hérissée de forêts impénétrables où les chercheurs d’or sont venus tenter leur chance il y a de cent ans.
L’euphorie de cette époque est passée. A l’ombre des montagnes, quelques maisons s’entourent de verdure apprivoisée et se regroupent en silence le long des rives. Vers la pointe, la route devient chemin, la forêt s’éclaircit, puis disparaît, on plante des moutons sur les collines. Seuls les 4x4 peuvent y circuler, pour accéder aux maisons de gens qui aiment vraiment la solitude.

Ca fume

Le relief s’adoucit en longeant la cote pacifique, le paysage aussi, les plages drainent les touristes. Il faut dire qu’ils trouvent de l’eau chaude en donnant quelques coups de pelle dans le sable. Une fortune pour les marchands de pelles ! Par endroits l’urbanisation est trop récente, trop bétonnée, d’une brutalité qui semble toute nouvelle et étrangère dans ce pays.

Nous quittons les plaines par la route des volcans, des lacs et des rivières. L’activité volcanique est encore très forte, de nombreux sites invitent à s’arrêter , mais le premier, à Roturoa, est exagérément payant. Soixante euros pour nous quatre, pour aller voir des trous qui fument, des trous qui sentent, et des trous qui crachent, ça exacerbe le coté grognon du franchouillard qui vous écrit. Heureusement il y a une explication ; l’endroit est un site sacré pour les Maoris, dans un village Maori, alors il faut sacrifier au dieu du bizness touristique pour compenser le désagrément causé par la cohorte ininterrompue qui vient quotidiennement fouler les saintes caillasses de leurs ancêtres.

On décide de ne pas les déranger et d’aller voir plus loin, où c’est tout de même très impressionnant. Les minéraux précipités donnent une palette de couleurs surprenantes, du jaune d’or au vert fluo, dans une sympathique ambiance de fumerolles soufrées et de glougloutements inquiétants. En bons touristes on va aussi saluer lady Knox, le geyser célèbre du quartier ; le présentateur nous raconte que ce trou qui crache peut être activé une fois par jour grâce à la découverte hasardeuse de bagnards qui venaient laver leur linge dans une source chaude. Un jour qu’il y avait du savon, voilà t’y pas que la source se met à faire des bulles, et projette tout à coup le linge à quinze mètres d’altitude.
Les bagnards, qui avaient encore une âme d’enfant et plein d’énergie malgré leur journée passée à planter des arbres sous le regard austère du garde chiourme de service, construisirent une cheminée en cailloux pour canaliser l’eau de la source, pour se donner l’occasion de venir rigoler en jetant du savon dans la cheminée. L’histoire ne dit pas comment le linge était lavé après cela, mais aujourd’hui cela ravit les cent cinquante touristes sagement assis sur de jolis gradins de bois.

Lac, soufre et arsenic

C’est sympa mais ça sent plus Dysneyland que le souffre, on revient à des choses plus naturelles en arpentant le bord des rivières, découvrant des rivages paradisiaques bien éloignés de nos navigations. Prés de Huka falls, nous nous baignons prés d’une source brûlante qui réchauffe la rivière, délicieux !

A Taupo, sur le bord du lac du même nom, nous découvrons le culte de la truite. Cela consiste ; 1) à interdire l’achat et la vente du délicieux salmonidé dans tout le pays, 2) à ensemencer généreusement le lac d’alevins, où ils grossissent prodigieusement, au point que la taille minimum des poissons qu’on a le droit de ramener est fixée à quarante cinq centimètres, 3) à décorer les rues, les façades, les plaques d’égout, de truites étincelantes, 4) à faire baver d’envie tous les naïfs, comme moi, qui courent dépenser quelques dollars pour se déguiser en attrapeurs de truites.

Arrivés à Toronga, de l’autre coté du lac, c’est irrésistible, nous sommes sur les rives de la Tongariro, cinquième rivière au monde pour la pêche à la truite. Je m’acharne avec Quentin à les séduire, levés avant le soleil, dans l’eau fraîche jusqu’à la taille. En peu de temps nous arrivons à balancer dix mètres de soie avec les mouches ad hoc au bon endroit. Rien y fait, même en appliquant les conseils des spécialistes, elles ne mordent pas. On en voit sauter des "arc en ciel " de plusieurs kilos, on surprend des grosses "brunes" à l’ombre d’une souche où d’un pavé, on leur met la mouche sous le pif ; rien à faire !

Au bout de quelques jours, un type très aimable m’aborde, jette un coup d’œil à notre gréement, et nous dit en souriant ; "c’est bon, le lancer est bon, les mouches sont bonnes, mais c’est pas la saison". Il faudrait aller pêcher sur le lac, qui remplace l’océan pour ces bestioles introduites, et où elles vont faire un tour entre deux pontes. Il m’achève avec un "waste of time !". Il est guide de pêche, je décide de lui faire confiance et nous tournons nos pas vers la montagne, ravis tout de même d’avoir découvert le must de la pêche à la ligne, probablement le moyen le moins efficace d’attraper à manger, mais tellement esthétique….

Nous découvrons la station de ski probablement la plus inhospitalière du monde, construite dans des éboulis volcaniques, avec une éruption tous les trois ans. Evidement, l’hiver le manteau neigeux doit adoucir le paysage, mais au cœur de l’été, cela ressemble à l’enfer, et c’est superbe. Nous sommes au pays de Mordor (dans le "Seigneur de Anneaux"). Quelques plaques de neige nous donnent envie de grimper plus haut, mais on est vraiment pas équipés pour cela. Nous voilà dans la forêt juste en dessous, où subsistent des squelettes d’arbres qui prêtent leurs branches décharnées aux lichens. La génération suivante reconquiert le terrain, et prolifère prudemment à couvert dans les gorges.
Les rivières se teintent d’or, d’argent et de pourpre selon les minéraux qui s’y déposent. Les chemins d’accès préservent de piétinements intempestifs la végétation têtue et rabougrie qui s’enracine dans la poudre volcanique. On saisit à la fois la puissance chaotique de la nature et la fragilité des équilibres qu’elle produit, le regard prend son envol au dessus de la vallée, jusqu’à la frange verte des prairies qui marque la frontière entre le territoire des pierres et celui des vivants.

Le tour des volcans s’achève par la traversée du désert, immense plateau vallonné oublié par les pluies, dominé par des cratères enneigés, ridé par les crues dues à la fonte des neiges. Puis nous sinuons dans des gorges forestières qui serpentent vers l’océan. On plante ici les arbres comme le blé dans la beauce. Des champs sylvestres colonisent les montagnes que les arbres indigènes délaissent.

Les 3 lacs

Lorsque le temps est venu, on fauche des hectares de pins de plus de vingt mètres de haut, ce qui offre un spectacle de désolation un peu choquant, mais tout est replanté avant que les pluies n’entraînent le sol. Bien que le pin soit majoritaire, on voit aussi beaucoup d’eucalyptus, de chênes, de saules, tous d’une hauteur impressionnante. Les feuillus sont plutôt plantés pour assainir ou stabiliser la terre, pour dissimuler l’habitat, ou pour orner les immensités désertes qui séparent souvent une maison d’une autre.

Nous arrivons à Napier, qui paraît il, vaut le détour. Reconstruite dans les années trente après un tremblement de terre dévastateur, la capitale de l’art déco néozed ne se distingue guerre des autres villes. Centre dédié aux commerces, devantures aguichantes et rue piétonnes, et zones commerciales aussi laides qu’en France. Les banlieues vertes et aérées où les maisons de bois s’autorisent tous les styles architecturaux semblent agréables à vivre, les gens sont souriants. Pourquoi donc tous ces panneaux qui nous rappellent que nous sommes vidéo-surveillés, quelle inquiétude sous jacente fait elle craindre aux kiwis pour leur tranquillité ?

Fumée...

Une belle ballade vers la baie des kidnappeurs nous fait reprendre contact avec les forces tectoniques de la planète, des falaises sédimentaires de plus de cent mètres surplombent la plage, des veines de bois fossilisé posent des énigmes, des nacres incrustées il y a quelques milliers d’années nous font des clins d’œil.

A Gisborne nous nous offrons un délicieux fish and ships au "fishing club", bistrot sympa décoré des plus beaux trophées du club, marlins, thons, poissons énormes pêchés sur du fil de 24kg, et nous goûtons des vins locaux. Pas mal, certains blancs se distinguent par leur originalité, mais il sont souvent un peu trop sucrés.
Les rouges sont moins intéressants, tous au dessus de 13°, parfumés au copeau de chêne, lourds et épicés. D’ailleurs ils viennent presque tous d’Australie, et parfois du chili. Mélangés, nous leur décernons l’appellation de "vins des différents pays de la communauté du Pacifique", cela donne une idée de leur qualité…Si on y met le prix, on trouve tout de même des velours, mais au delà de 10 euros la bouteille c’est bien la moindre des choses.

On fréquente peu les restaurants, parce que la cuisine néozed est catastrophique, grasse et sucrée. Quand l’envie nous vient, on trouve un Thaï, en priant pour qu’il n’y ait pas trop de piment dans le carry.

Péninsule du Coromendel

Le temps du retour approche, nous pensions longer la côte pour atteindre Wakatane, où fut signé le traité de Waitangi par la tribu locale. Une plaque commémorative au pied d’un rocher sacré, sans explications, confirme qu’on est au bon endroit. La route qui nous y emmène passe en fait très loin de la côte, parmi de nouveaux paysages surprenants, d’anciens reliefs sous marins propulsés en altitude par une galipette tellurique antédiluvienne, puis, passé Wakatane, dans un canyon de cinquante huit kilomètres de long, au fond duquel coule une rivière, de celles qui ont donné à l’homme l’envie d’inventer des créatures divines ou féériques, mystérieuses.

Nous arrivons à Toronga, c’est nul mais le camping est correct, il y a une piscine et les mômes ont du retard de Cned. Les campings, c’est encore une aventure en Nouvelle Zélande. On en a testé des sympa et d’autres presque sinistres, on a évité les pires, calqués sur d’anciens modèles germaniques de triste mémoire. Dans l’ensemble il y règne une ambiance d’un calme mortel, mais les gens sont très aimables, curieux, nous demandant d’où nous venons, s’extasiant sur notre voyage. On a un peu l’impression qu’ils s’ennuient.
Bref, une journée de pose qui confirme que toutes les villes d’ici se ressemblent, puis retour inévitable par Aukland, qui s’étend d’une côte à l’autre. Voilà quinze jours qu’Horus se dandine au bout de sa bouée, il nous manque un peu. Je réalise la chance qui nous a fait choisir d’atterrir et rester dans Bay of Islands, c’est vraiment un endroit superbe, et aucun des autres ports de ceux que nous avons vu ne supporte la comparaison.

Retrouvailles avec les potes de mouillage, il faut tout raconter, synthétiser. On a retenu l’amabilité indéfectible des kiwis, et leur extrême attention à ne jamais déranger autrui. On a retenu le record mondial du nombre de virages au kilomètre de goudron, et celui de la plus faible densité de population qu’on ai pu voir dans un pays occidentalisé. Grâce aux Maoris qui ont fait classer leurs terres sacrées en réserves naturelles, la main de l’homme blanc n’a heureusement pas pu mettre le pied partout, et la volonté de préserver la beauté des paysage est devenue une préoccupation nationale.
Il y a aussi par endroits de la surexploitation touristique, dans le sens d’une commercialisation de sites ou d’activités sans intérêt, ou à des tarifs astronomiques. Il y a enfin, comme nous l’avions senti dés le départ, un fossé entre Pakéas (blancs) et Maoris. Nous serons dans une dizaine de jours à la commémoration du fameux traité de Waitangi, cela sera peut être instructif.

En attendant, les préparatifs reprennent, départ pour le chili dans trois semaines, le temps s’est remis au grognon, mais nous comptons bien profiter jusqu’au bout de cette longue escale. Il nous reste quelques visites à faire, on vous racontera tout.

A bientôt

Alex