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GROIX NE VEUT PAS PERDRE SES CITOYENS

vendredi 31 octobre 2003, par Admin

Groix, ce morceau de fond d’océan unique au monde attire toutes les sommités
internationales de géologie. Objet de curiosité, l’île n’en demeure pas
moins une
commune qui vit au quotidien avec ses jeunes, ses ouvriers, ses pêcheurs,
ses services publics, ses retraités...Bref, comme toute commune du
continent.

Pourtant, ce n’est pas facile, lorsque l’on est un jeune couple, de trouver
à se loger sur l’île. Les locations ne se font guère à l’année, la saison
suffit aux propriétaires.
Le prix des maisons est élevé et ne cesse de croître depuis quelques années.
La municipalité voudrait enrayer le phénomène pour que Groix ne devienne pas
Bréhat.

Préserver l’agriculture : un projet de ferme relais

L’un des atouts de l’île de Groix est certainement sa campagne. L’activité
agricole est garante des paysages et, notamment, des grandes perspectives
de l’intérieur de l’île. Mais elle est aussi garante de l’entretien général
des terres groisillonnes.
Sur les 1 482 ha de superficie de l’île, l’agriculture occupe près de 20 % du territoire, soit 293 ha de surface agricole utile. En 1979, les
exploitations couvraient 364 ha.
Malheureusement, une partie de cette surface agricole utile reste
inexploitée aujour-d’hui et de nombreuses parcelles sont envahies par
les prunelliers.
On compte sept exploitations dont quatre sont considérées à titre principal.
Deux d’entre elles exploitent 87 % des terres appartenant à près de 400
propriétaires. Il s’agit de céréaliers.
Deux maraîchers travaillent sur 6 ha et deux familles font de l’élevage de
moutons, chèvres et vaches sur 18,2 ha.
Aujourd’hui, les deux céréaliers arrivent à l’âge de la retraite. Ils sont à même de pouvoir cesser leur activité. Pour ce faire, il faudrait des repreneurs et il y en a.
La municipalité étudie la possibilité de venir en aide auix éventuels
repreneurs en construisant des bâtiments agricoles communs sous la forme d’une ferme relais, à l’image de ce que l’on peut faire pour les entreprises ou les artisans.

COMMENT LOGER SA FAMILLE SUR L’ILE DE GROIX LORSQUE L’ON
Y TRAVAILLE MAIS QUE L’ON N’A PAS LA FORTUNE DE CRESUS ?

L’évolution du marché de l’immobilier ne facilite pas la tâche. La
population de l’île tend à diminuer chaque année un peu plus.
Depuis 1968, le nombre des résidents permanents a baissé de 28 %.
Le dernier recensement compte 2275 personnes pour plus de 3100 en 1968.
Parallèlement, on constate un vieillissement constant de la population : +4,1 % pour la tranche d’âge des 40-59 ans et + 2,1 % pour les plus de 60 ans.
Quant aux moins de 19 ans, ils baissent de 19,8 %. Un exemple : cette année au CP, l’école publique n’accueille que six enfants. C’est peu.
De même le nombre des actifs reste aux environs de 750 personnes dont 130
chômeurs, selon le recensement de 1999.
Tous ces chiffres ne sont pas bon signe.

Un phénomène "îlien"

Conserver sa population n’est sans doute pas chose facile pour une commune
lorsque la pression foncière ne cesse de croître.
"Le phénomène est apparu brutalement il y a une quinzaine d’années" explique
le maire Eric Régénermel. "A l’époque, cette montée des prix est apparue
comme une bonne chose. Cela pouvait même permettre un nouveau développement
économique. Le succès venant, il a fallu déchanter. Comme sur le continent, le littoral demande de plus en plus d’argent. Ceux qui n’en ont pas ont des difficultés pour se loger."
Le constat est le même sur l’ensemble des îles du Ponant dont les élus
s’interrogent aujourd’hui. Les îles sont perçues plus comme des lieux de
villégiature, voire même des lieux plus "sécurisants" pour les résidents secondaires aux volets fermés de longs mois durant.
Une île comme Groix ne peut cependant pas se permettre de vivre seulement le
week-end ou durant les vacances scolaires.

15 à 20 logements par an.

"Nous souffrons de manque de réserves foncières pour construire", poursuit
Eric Régénermel. "Mais nous souffrons aussi du manque d’offres locatives à
l’année. Il faut savoir que le revenu moyen de l’île est plus bas que sur le
continent.
Pour que les jeunes ménages restent, il faut les aider."
L’objectif de la commune est de construire 15 à 20 logements tous les ans et
de proposer du "logement aidé", soit en accession à la propriété, soit en
simple locatif.

L’aide de Cap L’Orient.

Pour ce faire, la commune souhaite utiliser le nouvel outil dont s’est doté
Cap l’Orient qui lui permettra de se substituer aux communes pour acquérir
des terrains à l’amiable ou par préemption.
Pour cela, la municipalité étudie la création de zones d’interventions.
Autour du Bourg, mais aussi du côté de Locmaria et pourquoi pas à Moustéro,
village détruit à 90 % durant la Seconde Guerre mondiale et qui pourrait
alors
renaître.
Il faut aussi penser à écrire le Plu, le Plan Local d’Urbanisme car l’ancien
Plan d’Occupation des sols n’a pas été modifié depuis 1991 et n’est donc pas
conforme à la loi littoral de 1996 !

Des contraintes multiples

Les contraintes ne manquent pas à Groix lorsque l’on aborde les problèmes
fonciers.
Outre la nécessaire révision du PLU en cours, il faut savoir que l’île subit
largement la loi Littoral. Mais on y compte aussi nombre d’espaces naturels
protégés ainsi que des terrains militaires. Il faut aussi prendre en compte les périmètres de protection de trois captages d’eau servant à l’alimentation de la population. De même, il faut veiller à ne pas grignoter excessivement les terres agricoles. Aujourd’hui, la mairie enregistre chaque mois près de six
nouvelles demandes de permis de construire. Elles font, pour la plupart, l’objet d’un sursis à statuer, faute de clarification des règles d’urbanisme de l’île.

Yves Guégan

RESIDENCES SECONDAIRES : UN EQUILIBRE A PRESERVER.

Séduit par Groix, au point de s’y installer, l’agent immobilier, Yves
Poizat, est un observateur privilégié de l’évolution de l’île en matière de
population. "Bien desservie, elle a gardé un caractère plus authentique
que Belle-Ile, par exemple", estime-t-il.
"Comme beaucoup de gens qui tombent sous son charme et viennent y vivre,
j’ai été séduit parce que ce n’est pas une station balnéaire. C’est une île
qui vit toute l’année, avec des écoles, des commerces. Une mono industrie
touristique tuerait le pays. Et il faut que cela perdure". Pour cela, il faut certaines conditions
qui sont entrain d’évoluer.

Permettre aux jeunes de s’installer
"Maintenant, le souci du maire est que plus de 50 % de la population est une
population de résidences secondaires. Un groupe social chasse l’autre. Je ne
sais pas pour combien de temps mais, pour l’instant, ça se passe plutôt
bien, car les nouveaux habitants sont pour la plupart de "vrais
utilisateurs" de Groix, des gens qui participent à la vie associative, qui
viennent aussi en hiver et qui font vire les artisans et commerçants tout au long de l’année. Il ne faudrait cependant pas que cette
population secondaire prenne encore trop d’importance. le souci est de
permettre
aux jeunes Groisillons de rester ou de revenir au pays".

Terrains abordables mais construction chère.

En parfait accord avec ce point de vue, Yves Poizat assure qu’il y a des
possibilités.
"Il y a encore des terrains. Il y en a même à 15 euros du mètre carré que je
réserve aux jeunes. En général, d’ailleurs, le prix des terrains n’est pas
excessif
 : en moyenne 30 euros du m2 alors qu’il se vend 69 euros sur la bande
côtière,
en face, et 150 euros à l’île aux Moines.
Le problème est qu’il y a un surcoût de la construction, car le prix des
matériaux est de 30 à 40 % plus élevé en raison de leur acheminement depuis
le continent".
Quant à l’immobilier, "il n’est ,pas tout à fait exact qu’il est très cher.
Il y a beaucoup de maisons à vendre, certaines sont relativement bon marché.
On peut trouver un T5 habitable avec garage pour 180 000 euros ce qui est le
même prix qu’en face, sur le continent. _ Seulement ces maisons se vendent
moins facilement parce qu’elles ne correspondent pas à la demande. Les
gens recherchent plutôt de l’habitat traditionnel, en pierre."
De toute façon, quel que soit le choix, Yves Poizat ne manque pas de
prévenir le potentiel acheteur : "Groix, c’est très particulier, il faut
vraiment être
imprégné pour pouvoir y rester. C’est au nouvel arrivant de faire en sorte
de s’adapter."

Paskal Mazé

Le télégramme du 28 10 03

(ndlr : ce texte, recopié à la main sur la version papier du télégramme, est exceptionnellement publié en entier sur le site. Espérons ne pas porter préjudice au télégramme, qui ne nous autorise qu’à publier le titre et la 1ère phrase de leurs articles...)