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En Bretagne, la gauche met l’accent sur l’agriculture et l’environnement

mardi 27 avril 2004

La très forte majorité - près de 59 % des voix au second tour - qui a porté le PS et ses alliés au pouvoir, dans ce bastion historique de la droite, montre l’ampleur des attentes, notamment sur ces deux sujets brûlants. La nouvelle opposition reproche à M. Le Drian d’avoir "beaucoup promis"
Rennes de notre envoyée spéciale

La gauche bretonne est encore sur un petit nuage. Le nouveau président socialiste, Jean-Yves Le Drian, vient d’être reçu par Edmond Hervé, le maire (PS) de Rennes, un "ami depuis la fac". "Il y avait de l’émotion dans l’air, raconte le président. Après mon discours, les gens ont applaudi longtemps..." Avec près de 59 % des voix pour la liste d’union au second tour, la victoire de la gauche, dans une région traditionnellement classée à droite, est historique.

Toute la France connaît désormais M. Le Drian, le Breton au ciré jaune. "Ce n’était pas un coup de communication, précise l’homme en souriant. J’ai toujours été habillé comme ça." Le nouveau président occupe la place de l’UMP Josselin de Rohan, son rival depuis six ans lors des débats au conseil régional. Un travail de fond "qui a payé", selon M. Le Drian.

Encore un peu incrédules, les nouveaux élus découvrent leurs bureaux. "On a l’impression d’entrer dans un endroit inhabité, relève Pascale Loget, vice-présidente (Verts) chargée de l’Agenda 21 régional, autrement dit le développement durable. On dirait que les bureaux n’ont pas servi, il n’y a pas d’ordinateurs. La région n’était qu’un guichet où les élus cumulards venaient réclamer pour leur commune et leur canton."

L’entrain de cette équipe rajeunie, composée pour moitié de femmes, est palpable. Les alliés socialistes, communistes, radicaux du premier tour, ainsi que les Verts et les autonomistes de l’Union démocratique bretonne (UDB), ralliés au second (après un score de 9,7 % des voix), apparaissent soudés autour de M. Le Drian. Vu son score, le PS pourrait gouverner seul. "Cela n’est pas mon intention", précise le président. Combien de temps durera cet état de grâce ? "Il nous faut maintenant passer au stade de l’épreuve des faits", résume Gérard Lahellec, vice-président (PCF) chargé des transports. Chacun est conscient que l’ampleur de la victoire, témoin d’une forte attente, rend le chemin périlleux.

La nouvelle majorité place la question agricole et environnementale en tête de ses urgences, avec la promesse de "restaurer la qualité de l’eau en 2010" dans la première région d’élevage de France. Un socialiste, Gérard Mével, sera chargé de l’eau. Un dossier "philosophique", se réjouit un représentant de la profession agricole. "C’est intellectuel dans un premier temps, mais opérationnel dans un deuxième", prévient M. Le Drian. Les Verts acceptent ce choix. "Les socialistes se sont approprié les enjeux du développement durable, de la culture et de la langue bretonne, affirme Mme Loget. A nous de nous saisir d’autres sujets."

RÉGION "SANS OGM"

L’arrivée de la socialiste Odette Herviaux aux questions agricoles est aussi faite pour rassurer. Elue d’une commune rurale, elle souhaite "maintenir le potentiel agricole de la Bretagne, avec des exploitations à taille humaine". "Le débat autour du volume de production est terminé. Ce n’est pas la quantité qui fait le revenu", insiste M. Le Drian. La région devrait par ailleurs bientôt être déclarée "sans OGM".

A la chambre d’agriculture, le président Jean Salmon n’a "pas d’a priori" sur les nouveaux venus. "Nous continuerons à travailler sur l’adaptation de l’agriculture à une demande qui veut des produits pas chers, assez basiques, "nickels" sur l’environnement", affirme-t-il.

La nouvelle majorité aura fort à faire pour relancer le dialogue : associations de consommateurs, environnementalistes et Confédération paysanne ont retiré leur signature de la Charte pour le développement pérenne de l’agriculture. Le dossier sera tenu sous haute surveillance par les Verts, et par les associations. Elles attendent que la gauche soit fidèle au discours qu’elle tenait lorsqu’elle était dans l’opposition, et démontre à l’Etat ses ambitions. Par la droite enfin. "C’est un dossier majeur sur lequel nous avons beaucoup travaillé, affirme Ambroise Guellec, porte-parole du groupe UMP. Le Drian a adopté des positions sans nuances et beaucoup promis."

Dans la même logique, l’UDB Christian Guyonvarc’h n’hérite pas de la politique de la langue bretonne, confiée au socialiste bretonnant Jean-Pierre Thomin, mais des affaires européennes et internationales. "Je ne compte pas avoir une gestion pépère, affirme l’élu. J’aurai le souci de mieux faire connaître la Bretagne à l’international, en m’appuyant sur la culture, et de renforcer la présence de la Bretagne à Bruxelles." Ce qui ne l’empêchera pas d’exercer sa vigilance sur le sort réservé à l’école en langue bretonne Diwan, en difficulté financière, ou l’avancement du dossier du rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne.

M. Le Drian, opposant au "Grand Ouest mou", promet des coopérations renforcées avec ce département en matière culturelle. Pour le rattachement, "c’est à la Loire-Atlantique de choisir".

Autre symbole, la présence d’un Brestois au développement économique. Un rééquilibrage entre Rennes et Brest "est un objectif à atteindre", selon Marc Labbey. "Comment y parvenir ? Au niveau de la recherche et du développement, on peut avoir une politique un peu plus volontariste en favorisant tel ou tel secteur d’activité, en faisant attention aussi à ne pas gaspiller l’argent public dans des doublons", explique l’élu socialiste.

L’aide au développement économique est un enjeu majeur pour la nouvelle majorité, au moment où plusieurs grandes industries bretonnes perdent des emplois (agroalimentaire, électronique). La chambre régionale de commerce et d’industrie (CRCI) attend la création de conditions favorables au tissu des entreprises bretonnes. "Sur les 80 000 entreprises bretonnes, seules 15 000 comptent plus de cinq salariés", rappelle-t-on à la CRCI. Les transports, en particulier la desserte routière, aéroportuaire et le TGV sont un sujet de préoccupation dans cette région excentrée.

La question du TGV a d’ailleurs été très présente dans la campagne. M. Le Drian a accusé son rival d’avoir "perdu", face à Paris, sur ce dossier. Il compte sur Gilles Ricono, son nouveau directeur des services, ancien directeur de cabinet du ministre (PCF) des transports Jean-Claude Gayssot, pour honorer la promesse de "mettre Brest et Quimper à trois heures de Paris en 2010".

Gaëlle Dupont (avec Vincent Durupt à Brest)
ARTICLE PARU DANS L’EDITION DU 27.04.04