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Les mains dans le cambouis

lundi 14 juin 2004, par Visiteur

Si comme moi le jeu politicien vous répugne, cela ne nous empêche pas de le comprendre. Et comment pourrions-nous si nous-mêmes répétons sans recul les mensonges des médias de pouvoir ?

En ce lendemain d’élection européenne, partout on lit qu’il y aurait en France une espèce d’avance de la gauche. Mais ce savant calcul suppose qu’on exclue l’extrême droite du total de la droite. Or l’extrême droite représente un paquet de voix et un nombre non-négligeable d’élus.

Si on reconnait que droite et extrême droite représentent le même camps des partisans d’une société de l’injustice sociale (ne parlons pas ici de ceux qui le sont aussi tout en prétendant être "de gauche"), et si l’on considère que cette droite reste largement majoritaire chez ceux qui votent encore, il faut interprêter le scrutin différemment.

En dépit des progrès du démantèlement des droits sociaux et de la protection sociale, en dépit de la casse systématique du droit du travail et de l’égalité devant la justice, la "gauche" électorale se recompose mais ne progresse pas.

Si la majorité libérale-fascisante européenne vaut de se taper la tête contre les murs, la désaffection des urnes et la réduction des récupérations par les gauches classiques est un signe d’espoir. Cela suggère que de plus en plus de personnes reconnaissent l’impasse du jeu médiatico-éléctoral losqu’il s’agit de lutter pour la conquête d’un monde de justice.

La partie sincère de l’électorat des gauches commence à peine à percevoir le phénomène et ses implications.
Après le véritable matraquage des Verts sur ce site (bellaciao.org-ndlr) pendant la campagne électorale, et au constat de l’échec partagé par eux et l’extrême gauche, il est bon de pouvoir leur dire que pour le changement, ce n’est plus à eux de chercher à rallier des mécontents, mais qu’il est temps pour eux de se remettre en cause.

Je suis convaincu que nous sommes des millions à vouloir changer de société, pour en construire une autre vraiment égalitaire, non-autoritaire, et fondée sur la convivialité et non sur la concurrence. Et je suis convaincu que nous sommes des millions à vouloir que ce changement s’opère par d’autres moyens que les systèmes de compétition entre personnes représentés par la politique de partis.

Dans ces circonstances, j’aimerais dire aux électeurs et sympathisans des partis prétendument "de changement" : il est temps pour chacune et chacun d’entre vous de vous prendre en main, de changer d’attitude, d’habitudes et de rejoindre comme vous le pourrez, la masse croissante des gens ordinaires qui veulent une société horizontale ; une société qui ne peut se construire avec les vieilles méthodes pyramidales ; encore moins s’ériger au moyen de pratiques de représentation.

Vous avez martelé des intentions de remettre en cause des choix globaux en matière d’écologie, de justice sociale, de relations internationales, de partage des richesses. Ces ambitions, que nous sommes pourtant nombreux à partager, ne nous ont pas pour autant convaincu de vous rejoindre. C’est que contrairement à vous, nous ne croyons pas qu’il soit possible de modifier les équilibres de la société de consommation et d’exploitation de masse en s’inspirant de la dictature des majorités sur les minorités à laquelle conduit le vieil ordre démocratique.

C’est de la proximité et de la médiation directe, des regroupements informels locaux, de ceux qui s’opéreront dans le respect et la prise en considération de chaque individu, que le changement pourra commencer à s’opérer. _ Ces constructions collectives, ces approches de consensus directs n’en sont qu’à leur balbutiements. Mais c’est à coup sûr d’elles, si éloignées qu’elles soient de nos conditionnements par l’école des masses, que s’amorcera le changement véritable.

Alors oui, nous sommes encore loin d’être en mesure de contrarier les choix qui s’opèrent au sein des sphères du pouvoir total des financiers, des élites et des industriels. Nous sommes loin de mettre en oeuvre des moyens concrets pour ce faire. Mais contrairement à ce que vous avez pratiqué jusqu’ici, nous n’avons pas épuisé nos énergies aux jeux puériles de la surestimation de nos moyens, ni aux vanités de changer un système en lui-même structurellement suicidaire, de l’intérieur.

Ne soyez pas les derniers à vous désespérer de l’abstention croissante : de plus en plus la démocratie va se trouver ailleurs que dans les urnes. Et c’est une bonne chose. Pour comprendre son voisin ou sa voisine , il va falloir leur demander leur avis et plus attendre le 20 heures, pour les estimer en fourchettes biaisées voire insensées.

Les enjeux globaux atteignent le point ultime de l’urgence, pratiquement assimilable à la défaite consommée de l’humanité. Dans ces conditions succomber à la panique, et gesticuler en invoquant telle ou telle urgence du moment pour entrer dans le jeu des pouvoirs, c’est perdre notre temps. Il y a beaucoup de travail, notamment pour construire les moyens de gérer les terribles héritages de la société industrielle, de resister aux barbaries et aux superstitions qui accompagnent la paupérisation globale et surtout, apprendre à ne plus mépriser celles et ceux qui ne partagent pas nos opinions.
Donnons-nous le temps et les moyens de nous accorder horizontallement (mdr).
Pour un collectivisme convivial, anti-autoritaire, en vraie rupture avec la société barbare de compétition.

L’échec concret de la gauche aujourd’hui : un vrai signe encourageant pour toutes et ceux qui croient au vrai changement, et le désirent avec ardeur.

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