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Conte philosophique d’outre-mer.

samedi 1er juillet 2006, par AM

Dans un lointain pays entouré d’eau et béni des dieux, la vie s’écoulait paisiblement pour une population placide et tolérante. Chacun dans son tipi reproduisait le mode de vie que lui avaient transmis parents, enseignants ou confesseurs.

Or, du fait d’un phénomène difficilement compréhensible pour des indigènes à forte tendance anarchiste (certains sociologues osent même dire "anarchique") du fait donc de ce que certains appellent centralisme, d’autres globalisation, ou n’importe quoi d’imposé par une autorité supérieure et inconnue, sont entrés dans le vocabulaire des mots tels que : règlement, question, incompréhension, manipulation, colère, vengeance. Le dictionnaire de ce pays lointain a donc gagné en épaisseur, à l’inverse de ce qui se fait partout ailleurs où des mots disparaissent chaque jour du langage commun.

Oyez donc l’histoire de ce grand chambardement.

L’autorité supérieure et inconnue a imposé au Grand Sachem de ce pays béni des dieux et à ses Sages de bien vouloir faire respecter la Loi Universelle en matière d’utilisation de la terre, que les habitants de ce pays entouré d’eau ont vite appelé la Loi du plus Fort, alors que jusqu’à maintenant n’était appliquée qu’une loi non écrite, mais que tout le monde connaissait comme la Loi du Chacun pour Soi.

Le Grand Sachem, dans ce pays béni des dieux à vocation autogestionnaire sans le savoir, avait été élu d’abord pour sa capacité à énoncer en mots clairs des phénomènes scientifiques (il était de son état sorcier guérisseur) et politiques même s’il n’employait jamais ce mot jugé obscène
dans ce pays entouré d’eau. Tous les habitants étaient donc jusque là fort satisfaits de comprendre chacun des mots employés par le Grand Sachem même s’ils ne voulaient en retenir ni le sens général, ni surtout la finalité.

L’application de la Loi Universelle a donc nécessité, du fait du plaisir du Grand Sachem à manier les mots et de celui de ses compatriotes à les écouter, moultes réunions que les représentants de la Loi Universelle venus du Pays de l’autre côté de la mer, pensaient suffisantes à la compréhension du projet.

Le Grand Sachem résuma doctement et solennellement en une phrase le résultat de ces années de discussions et de travail :
LA LOI NE PEUT SOUFFRIR D’AMBIGUITE.

Et c’est là qu’au lieu de simplement ajouter le mot ambiguïté au dictionnaire, les habitants, y compris certains des Sages, se sentirent atteints d’une maladie aussi inconnue d’eux que le chikungunhya.

On a vu des meumés qui ne sortaient que pour les messes du pardon de leur village se déplacer pour aller demander à Marina, choisie par les Grands Sachems successifs en raison de ses qualités de travailleuse, quel sort était réservé à leur "laire" (mot employé dans ce pays pour désigner une
aire à battre, les historiens poursuivent leurs recherches pour découvrir "pour battre qui").
Une colonie d’habitants occasionnels, tolérés par les indigènes, est venue en nombre et en petite tenue (short qu’ils appelaient ça) demander pour quelle raison on voulait les rejeter à la mer après tant d’années de cohabitation paisible.
S’ajoutèrent ça et là quelques demandes individuelles aussi farfelues les unes que les autres aux yeux du Grand Sachem : l’un ne voulait pas que son bout de champ soit classé en terrain agricole, l’autre voulait continuer à agrandir son tipi alors qu’il l’avait construit dans un endroit que La Loi
Universelle réprouvait. Il se trouva même quelqu’une pour oser demander s’il n’était pas possible au Grand Sachem de fermer les yeux temporairement devant un certain cas alors qu’il les fermait définitivement devant quelques
autres. Un habitant souligna ainsi l’exemple du Grand Sachem lui-même soignant son vieux dextrier dans l’eau qui entoure le pays bien que la Loi Universelle ne le permette pas.

Et là, les habitants de ce pays entouré d’eau entendirent le Sage spécialiste de l’application de la Loi Universelle énoncer sa devise pour défendre les contrevenants
à cette Loi :
MAIS LAISSEZ-LES VIVRE !

Et c’est ce soir là que les habitants du pays toujours entouré d’eau mais beaucoup moins béni des dieux ajoutèrent à leur dictionnaire le mot :
SCHIZOPHRENIE.

Ils comptent maintenant sur leur Grand Sachem pour les délivrer rapidement de leurs symptômes faute de quoi certains parlent déjà de se choisir un autre Grand Sachem, qui, s’il n’est pas sorcier guérisseur de son état, dit pouvoir compter sur ses nombreux amis de l’autre côté de l’eau pour faire supprimer l’application de la Loi Universelle dans ce pays qui redeviendrait, selon lui, béni des dieux car régi par la Loi du Chacun pour Soi.

La conteuse de Kerloret

Commentaires

  • Conte à rebours ?

    Quo vadis ?

    Qui philosophe si bellement ?

    De quel terre entourée d’eau parle-t-on ?

    Trêve d’indigènes, stop n’en jetez PLU.

    Vous jetez à bas la misaine

    Déplumez le fou de bassan

    Zoutounieurs persistants !!!

    Le ski zoo freine.

    • Me r’habiller en effet je vais aller

      La robe de bure je vais adopter

      La folle parolle ailleur je vais précher

      Mendier, et méditer sur mon quignon

      Oublier la sardine, la tranche de thon

      Ni yourte ni ty pi

      Juste un crew en guise de lit

      La loi fait loi mème pour l’autruche

      Mème l’Oie capitule devant la cruche

      Permis d’iode pour le canasson

      Permissible avec ou sans raisons.

      Foudebassans

  • Je te connaissais beaucoup de qualités : intègre, têtue, honnête,
    bonne vivante, emmerdante, juste et droite, mais je ne connaissais pas
    tes talents littéraires. Que voilà un style qui sied à ta verve.
    ( Non Henri ce n’est pas une contrepéterie).

    N’hésite pas ...

    Néanmoins, je dois te faire part d’une erreur, certes infime, mais
    qu’il vaut mieux signaler avant qu’elle ne devienne une vérité. Il ne
    s’agit pas de tipi mais de yourte. Je t’invite à comparer les photos
    que tu as mises sur le site et les quelques yourtes encore existantes,
    tu t’apercevras de la nuance.

    Yann Roland

    • Cases à nier :

      Certes, Yann, bien vu !!!

      J’opine, j’aquiesce, j’approuve,

      Et restant dans le ton,

      j’ajoute, bulgare !!!

      L’embusqué rimeur.

    • ""Il ne s’agit pas de tipi mais de yourte.""
      Comme tu le sous-entends, la "création littéraire" :-) autorise les entorses à la réalité. Bien évidemment, j’ai pensé illustrer ce conte avec une yourte pour rappeler à au moins deux de mes amis les longues discussions autour du projet d’en installer pour eux une ou deux sur notre terrain.
      Mais rappeler avec cet exemple la Loi qui l’interdit aurait été "jouer petit bras"
      et aurait pu être pris pour de l’envie devant les entorses autorisées.
      Et la hutte concordait mieux avec les illustrations suivantes....
      AM

    • c’est la hutte finale, en quelque sorte.
      Alex

    • J’apporte modestement un peu d’eau au moulin de Kerloret

      il s’agit peut-être d’un plagiat, mais j’ai retrouvé une version plus complète que la tienne,
      certainement inédite, enfouie sous les algues décomposées, dans l’anse des Habits Rouges.

      Je cite la phrase manquante :

      ... Un autre fit remarquer que bien quelle fût interdite par la Loi
      Universelle, le Grand Sachem pratiquait la culture des capucines sur le
      faîte de son tipi sous l’oeil vagabondant de son Collet vert à poils jaunes

      jpicart

    • Qui PLUs est le territoire est peau de chagrin.La liberté de l’un commencant la ou celle de l’autre s’arrete et vice verce, Un bain de sang serait à craindre si la loi et la regle ne s’appliquait à tout le monde : chiens et chevaux, poules et poulet, oies et ouailles.

      A l’instar du string, ce trou beni montre son cul,que tu ne touche que si tu palpe l’oseille...(..que broutait le cheval )

      Fousquinapasdisonderniermot

    • ou la cacophonie en hutte mineur ?

      jpicart

    • Un habitant souligna ainsi l’exemple du Grand Sachem lui-même soignant son
      vieux dextrier dans l’eau qui entoure le pays
      bien que la Loi Universelle ne le permette pas.

      la Loi Universelle fermera-t-elle également les yeux sur les Chiens de bergers allemands tenus en laisse sur la plage de Locmaria ?

      un usager de la plage
      (c’est Jpicart)

  • je me trompe, ou j’ai cru voir un gaucher dans la dernière illustration ?

    dom

  • et si venait une grande sachemmesse pour départager les grands sachems ?