"Anita, de Groix"

"Dans les temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire"

L’expo Vernet, le voyage, l’amitié... (+ vidéo)

2 commentaires

Les dessins de Thierry Vernet, réalisés durant son grand voyage de 1953-1954 en compagnie de Nicolas Bouvier, de Genève (Suisse) à Colombo (Sri Lanka) et à travers les Balkans, l’Iran et l’Afghanistan, ont pour la première fois été présentés en France – et en Europe -, pendant le 9ème festival international du film insulaire de l’ile de Groix.

Pourquoi à Groix ? Les hasards de la programmation d’abord ont guidé ce croisement. Sri Lanka était le pays invité cette année, et le beau film de Christopher Kuhn « 22 hospital street » (prix 2005) rendait compte de la lente plongée de Nicolas Bouvier dans la dépression, lors du départ vers la Suisse de son ami nouvellement marié avec la belle Floristella Stephani. De ce voyage intérieur amer et difficile sortira, nous le savons aujourd’hui, un grand écrivain. Nous savions moins qu’était également né du voyage même, du dépaysement et de la découverte de son propre talent, un grand artiste. C’est chose faite.

Les visiteurs, souvent déjà amateurs du livre, ont pu apprécier et redécouvrir ce recueil : L’usage du monde, écrit à deux coeurs et quatre mains. Parcours exemplaire d’une magnifique amitié débouchant sur une double créativité, un grand Art. Le noir profond du tracé de Thierry Vernet, la puissance de son trait épais furent novateurs dans les années cinquante ; précurseurs d’une génération de dessinateurs de bandes dessinées et de graphistes qui reconnait aujourd’hui ce qu’elle lui doit.

Ces dessins ne sont pas de croquis en tant que tels, mais plutôt – comme pour l’écriture de Nicolas Bouvier -, des souvenirs retravaillés, une remémoration visuelle. Ils mêlent des scènes et des atmosphères et sont donc narratifs : tous s’inscrivent dans une histoire dont ils restituent un instant. Instant suspendu ou l’on sent les danseurs prêts à bouger, l’homme assis à la table reprendre son verre, la roue rouler, la musique jouer.

Ce moment magique qui nait de la saisie d’un fragment complet du monde, Thierry Vernet l’érigera en mode de regard et de peinture, et lui donnera un nom : l’art poétique. De ce fait, ces scènes observées à Tabriz, Ptuj ou Colombo sont à la fois locales et parfaitement universelles. Elles dépassent l’instant vécu il y a cinquante ans en des lieux et des temps évanouis et nous laissent inventer notre propre histoire. Littéralement, ces dessins nous font voyager, se prendre d’affection pour les personnages et même d’amitié pour les montagnes ou les soldats taciturnes.

L’amitié, d’île en île et de routes en bateaux, explique ainsi cette présence à Groix. Plusieurs personnes se sont interrogées sur la présence de ces impressions numérotées d’après les précieuses plaques typographiques originales de L’usage du monde, dans la grande salle de l’usine, entre des photographies de pêcheurs de Groix, de femmes de Sri Lanka (toutes deux magnifiques) et des peintures naïves d’Haïti.

A l’évidence, ces dessins auraient pu faire l’objet d’une exposition particulière, ailleurs peut être. Mais outre que Thierry Vernet, qui a si souvent exposé en voyage et dessiné les ailleurs possibles, aurait probablement apprécié cette présence dans l’ancienne usine de thon investie par le Fifig, l’Adop :FS-TV (Association pour la Découverte de l’Oeuvre des Peintres Floristella Stephani et Thierry Vernet) l’a souhaité, par sympathie et affinité pour l’esprit du festival.

En remerciement de l’accueil l’Adop : FS-TV a décidé de laisser cinq dessins à Groix. Le projet en cours d’une artothèque permettra sous peu de les faire voyager dans l’ile, au gré des maisons prêtes à les emprunter. De ce partage et de la familiarité avec l’œuvre dessinée de Thierry Vernet naitront peut être d’autres belles choses. Quant à l’artothèque, elle pourra être enrichie par d’autres œuvres d’artistes et constituer un fonds d’art contemporain unique, inédit sur une île.

Alexandra Galitzine

Ilona Stephani

le titre est de A. Ménard (encore merci à Ilona)

Floristella aurait aimé cette photo (prise par Ilona, sa nièce)

Déjeuner du dimanche avec Christophe Kuhn et sa compagne

Ilona vue par son amie Alexandra

Lien pour la vidéo :
 http://www.youtube.com/watch?v=PQ22...

Dommage que cet équilibre de volumes ne soit pas resté en place...


Vos commentaires

  • Le 21 septembre 2009 à 14:06, par B.

    merci ....pour ce texte....juste reflet de cette belle expo..... pour cette "affinité pour l’ esprit du festival".....pour cette rencontre...pour ce plaisir prolongé par la lecture de "Peindre , écrire, chemin faisant ".....B.

  • Le 3 août 2010 à 12:32, par Anita

    Article et lecture très interessant tous les deux, Seriez vous d’accord si je relais cet article (avec une référence au votre bien evidemment) Perrick

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