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Peuple des Dunes : lettre ouverte à Jean-Louis Borloo

mercredi 18 juin 2008, par Admin

""Ce n’est plus une politique de l’environnement. C’est une pantalonnade ! C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous faisons, par la présente, appel à votre vigilante intervention.""

Monsieur le ministre d’Etat,

Le peuple des dunes, collectif des associations de défense de l’environnement, constitué début 2007 pour faire échec au projet d’extraction de sable en mer des cimentiers (groupe Lafarge et Italcementi), dans la baie d’Etel, vous interpelle publiquement pour que vous refusiez de signer le renouvellement du permis de recherche, appelé PER SUD LORIENT, sollicité en janvier 2007, au profit de ces deux multinationales.

Ce projet est d’envergure puisqu’il porte sur une extraction de 600 000 tonnes de sable par an pendant 30 ans, soit 18 millions de tonnes, à 3 milles des côtes et du plus grand massif dunaire de Bretagne. Ce massif dunaire, classé Natura 2000, fait partie intégrante du Grand site qui va de Quiberon à Gâvres. L’Union européenne, l’État, la région et le département y ont investi des sommes importantes pour protéger la faune et la flore.

En octobre 2007, dans le cadre de cette demande de renouvellement du PER , l’avis des différentes municipalités concernées a été sollicité. Toutes, sans aucune exception, ont voté contre le principe d’une telle autorisation (Quiberon, Saint Pierre de Quiberon, Plouharnel, Erdeven, Etel, Plouhinec, Gâvres, Lorient etc).

Sans doute s’agit-il là d’un vaste projet à trois composantes, soigneusement instruites de façon séparée, fondé sur l’extraction en mer dans la zone allant de Quiberon à Gâvres, du lavage du sable au port du Rohu et de la fabrication du béton à Lorient. Ces deux derniers projets ont été gelés, pour l’instant, par les maires de Lorient et de Lanester.

UNE CATASTROPHE ECOLOGIQUE ANNONCEE

L’émotion du Peuple des dunes s’explique par l’identification d’un certain nombre de risques, soulignés par les scientifiques consultés :

• risque d’érosion du trait de côte en raison du prélèvement d’un sable qui date des dernières glaciations et dont on sait qu’il ne se renouvellera pas, la nature ne fabriquant plus de sable ; il s’agit d’un stock fini qu’il y a lieu de préserver pour les futures générations ;

• risque à terme de submersion marine des terres et des maisons, construites, pour beaucoup, en dessous du niveau de la mer ;

• risque de réveiller des espèces de phytoplancton indésirable, en dormance dans les sédiments, par la mise en suspension des sables et des vases. Leur éventuelle prolifération mettra en péril toute l’économie ostréicole locale ;

• destruction certaine des frayères de pêche. M. Michel DESPREZ, docteur en biologie marine, confirme que le travail scientifique met en évidence que l’extraction de sable réduit la richesse de la nourriture des poissons de 60% et entraîne une diminution de 80% des espèces (Ouest France 14/15 juin 2008). Or, cette zone est une frayère de poissons particulièrement riche, ainsi qu’en témoignent les prélèvements opérés par un laboratoire brestois, les Astéries, puisque, voici trois mois, en trois coups de chalut, plusieurs centaines de kilos de différentes espèces de poissons ont été remontées.

• mise en péril de l’avenir de la pêche dans cette zone où, depuis des siècles, est installée une chaîne alimentaire (anchois, sardines, thons), et où travaillent en rotation une centaine de bateaux.

• atteinte à la qualité des eaux de baignade en raison de la turbidité provoquée par l’élinde qui aspire le sable

• et donc menace sur l’avenir touristique de cette zone qui constitue pourtant le deuxième plus beau site dunaire d’Europe.

Les leçons des expériences limitrophes ou plus lointaines montrent bien pourtant qu’il s’agit là d’une catastrophe programmée : il suffit de voir aujourd’hui l’état des plages du cap Fréhel, de Saint Jean du Doigt, de Lannion ou de Wissant, de l’île Tudy, de Pornic et de la Bernerie, suite à des extractions de sable en mer, au large de ces dernières.

DES EVENEMENTS RECENTS QUI ACCROISSENT NOTRE INQUIETUDE

C’est d’abord les catastrophes naturelles de janvier 2001 et mars 2008 qui ont affecté toute cette région. Le village de Gâvres a ainsi été grandement inondé et la dune a subi des assauts visibles, témoignant ainsi de sa grande fragilité. Les études scientifiques faites par les cimentiers, dépourvues de toute analyse d’impact, sur le trait de côte, de l’extraction de sable au large et qui ne prennent pas en compte les conditions climatiques plus violentes telles que nous les connaissons aujourd’hui, montrent ici toutes leurs limites.

C’est ensuite la constante préoccupation du préfet de département de tout faire pour favoriser le projet des cimentiers. Non content d’ouvrir, aux frais du contribuable, un site d’explication sur ce projet qui bafoue les règles élémentaires de la démocratie en ne rendant aucun compte de l’avis des élus municipaux et des opposants, non content de recourir à une procédure de déféré à l’encontre des décisions du maire de Lanester qui tente de résister au débarquement du sable sur le territoire de sa commune, il vient de donner, une fois encore, la mesure de son parti pris dans la gestion du dossier Natura 2000. Sur tout le littoral breton, des côtes d’Armor au Morbihan, tous les périmètres maritimes Natura 2000 englobe les îles dans de très grands emprises, qui s’étendent jusqu’au continent. Seule la baie d’Etel fait exception, contrairement aux demandes réitérées de tous les élus locaux puisque ne sont pris en compte que la rivière jusqu’à la barre d’Etel et des petits points autour des îles. L’enjeu est bien évidemment de sanctuariser le site d’extraction dédié au groupe Lafarge.

C’est enfin la gestion actuelle du dossier du GERBAM, centre de tir de l’artillerie de marine, dont les cent chômeurs à venir n’ont pas été défendus, notamment parce que leur activité s’exerçait dans des couloirs de tir qui réduisaient substantiellement la zone d’extraction.

Le peuple des dunes, sensible aux enjeux économiques de la région estime que les pouvoirs publics doivent empêcher clairement les industriels de piller les réserves naturelles et les inciter ainsi à investir sérieusement sur des projets innovants en termes de matériaux et à recycler les matériaux de démolition.

Monsieur le ministre, notre forte inquiétude vient de ce que nous assistons à ce jour à une véritable « LAFARGISATION » des politiques publiques locales au lieu de la prise en compte des enjeux exprimés par le Grenelle de l’environnement.

La gouvernance environnementale de la mer exige ici, conformément à tous les textes fondateurs internationaux, européens ou nationaux, l’application du PRINCIPE DE PRECAUTION. Il y va du développement durable de toute une région. C’est notre devoir de préserver, pour les générations futures, ce patrimoine d’une richesse inouïe.

Le mépris affiché dans cette gestion locale de ce dossier, à la fois à l’endroit des élites politiques de la région et de la société civile qui a largement exprimé son opposition à ce projet, traduit l’absence de prise en compte d’une politique de développement durable.

Ce n’est plus une politique de l’environnement. C’est une pantalonnade ! C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous faisons, par la présente, appel à votre vigilante intervention.

André Berthou
Pilote du Collectif Le Peuple des Dunes
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