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Groix s’abandonne à la manne touristique

vendredi 9 août 2002, par Admin

Autrefois réputée pour la pêche au thon, Groix s’abandonne à la manne touristique.
Groix (Morbihan) de notre envoyé spécial

"C’étaient des terres endormies", explique Franck Calloch. Installé depuis trois ans sur ce morceau de lande, envahi par les fougères et les ronces, qu’il est en train de défricher, il est l’un des trois derniers agriculteurs de l’île de Groix et le seul éleveur.

Maya, 29 ans, monitrice de plongée sous-marine, est venue le rejoindre. Ils vivent dans une minuscule caravane, abritée par les prunelliers sauvages. Jeunes et anciens de l’île leur ont donné un coup de main pour édifier l’étable qui héberge un troupeau de vaches pie noire, une ancienne race bretonne relancée dans les années 1970.

Réputée pour son odyssée "thonière", entre 1870 et 1940, l’île a un aspect massif qui fait penser, lorsqu’on arrive de Concarneau par la mer, disent les marins, à un "navire démâté".

La place des Groisillons a toujours été sur un bateau, mais chacun avait son lopin de terre. Sur les 12 hectares d’anciennes pâtures qu’il défriche, Franck entend reconstruire une petite exploitation sur le modèle des années 1950, "plus adapté à l’île". Il n’a pas l’intention de faire la chasse aux primes. "De toutes les façons, je ne suis pas assez "productiviste", je n’utilise pas assez de pesticides, ironise-t-il. Mais je me demande si, dans quinze ans, j’aurai toujours ma place ici, si mes vaches ne feront pas honte aux touristes."

Comme Belle-Ile, Groix a enterré sa vie d’ouvrière de la mer. L’afflux des touristes date des années 1970. Depuis trois ans, on y observe même un "boom", selon la mairie. On y délivre autant de permis de construire (60 par an), et pourtant "l’île est quatre fois plus petite" que sa voisine.
Résidences secondaires et principales sont égales aujourd’hui en nombre. "Le petit-fils vend la maison de la grand-mère. Beaucoup de gens font pression pour que leurs terrains soient constructibles. Tous les Groisillons sont complices", se désole Franck.

CIELS D’ENCRE

Le sursis de Groix n’aura pas duré longtemps. Sa rudesse sous les ciels d’encre, la pâleur quasi mortelle de ses chaumières, les chemins creux bordés de tamaris risquent d’être bientôt mis aux normes du tourisme européen, pour laisser passer les VTT et les 4X4 décapotables.

"Avant cinq ans, ce sera l’île de Ré ici !" Guy Tonnerre, qui tient le Bar de la jetée à Port-Tudy et fait partie de la nouvelle équipe municipale, montre du doigt le célèbre thon-girouette tout en haut du clocher. "Le malheur des Groisillons est que nous sommes pétris d’orgueil, explique-t-il.

Autrefois, c’était le matriarcat, la mère élevait les enfants. Les vieux garçons ne manquaient pas, mais il ne fallait pas le dire... Ici tout est à faire, mais pendant trop longtemps on a entendu : il n’y a rien à faire." Comme si depuis la fin de sa prospérité liée à la pêche au thon, l’île était condamnée à l’inexistence.

Groix revit aujourd’hui "à coups de bonnes volontés" venues de l’extérieur. Et pourtant, certains en appellent à "l’épuration", se désole Guy. "Ce qui a tué Groix dès 1945, c’est Lorient. L’esprit insulaire a mieux résisté à Belle-Ile. Il n’y en a plus chez nous." Mais Breton quand même ? "Même la "Bretagne" n’existe pas ici. Depuis toujours on parle français. C’était la langue sur les bateaux. Les Groisillons étaient bien obligés de le parler !"

Erwan, le fils de Guy, proteste : "Groix n’est pas encore la banlieue de Lorient." Diplômé de biologie marine, il a ouvert un atelier d’affinage d’huîtres. "Il faut retrouver la passion du travail et ne pas voir Groix comme un ghetto." A L’Ecume des jours, Nathalie explique : "La mer n’est plus l’instrument de travail, mais on en parle tout le temps."

Régis Guyotat

ARTICLE PARU dans LE MONDE, EDITION DU 03.08.02

 http://www.lemonde.fr
 Droit de réponse rédigé par E.Régénermel

Commentaires

  • Comme Mr Guy Tonnerre a raison de dire que les Groisillons sont pétris d’orgueil. Cela fait plaisir de lire ces mots d’un groisillon de souche... Car fut une époque (que j’espère révolue), les lois ne s’appliquaient pas de le même façon si vous étiez groisillon ou non, si vous aviez des relations locales ou non... Merci Mr Tonnerre pour votre clairvoyance.

    • Il est drôle de lire cela , monsieur Guy Tonnerre fait de même, (procès en cours) , ne pas faire aux autres ce que l’ont a détesté !!!! réfléchir avant d’écrire ;
      Si une personne a un orgueil démesuré c’est de ce Guy la qu’on parle !
      Heureusement j’espère que les groisillons réfléchiront aux prochaines élections entre la peste et le choléra !!!!!
      Habitante du sud est et écoeuré de vos chicaneries entre partis !!!!!

  • "prets a tout donner pour garder groix dans son authenticite.........."quelle authenticite ?celle des annes 2000 avec beton authentique,constructions sur 250m2 authentiques ?authentique boulevard du port tudy a port melite ?authentiques restaurations ratees ?(authentique massacre de la maison de kersauze apres sa restauration)authentique defrichage dramatique de la lande.........
    authentique naufrage d’une ile qui n’a pu garder une identite propre...........

    • et authentiquement courageux anonyme qui n’ose pas aller jusqu’au bout de ses idées !!
      IL FALLAIT EMPECHER DE FORCE LES GROISILLONS D’ALLER HABITER SUR LE CONTINENT :))
      de cette façon, l’île aurait gardé son authenticité (même si beaucoup d’entre eux seraient morts de faim, ma mère en premier et....je ne serais pas là...et....il n’y aurait pas ce site....pour permettre à de courageux défenseurs de l’authenticité groisillonne de s’exprimer !!)
      Et combien ce courageux anonyme a-t-il créé d’emplois sur l’île ?? Cette question est la seule pertinente si l’on veut que cette île continue à vivre en dehors des trois mois de fréquentation des
      "authentiques" défenseurs du paysage !!!

      AM