Accueil > Politique > Breizh a gar gouarnamant Raffarin

Breizh a gar gouarnamant Raffarin

dimanche 17 août 2003, par Admin

("La Bretagne apprécie le gouvernement Raffarin"). Avec quelques bémols tout de même. Choses entendues
Extrait de Marianne n°329 11-17 août 2003

Le coup d’envoi de ce périple -1200km !- est donné à Lorient, sur l’embarcadère pour l’île de Groix, merveilleux caillou qui ne s’embarrasse pas de fioritures touristiques. Pendant la traversée, Nicole, 57 ans, cadre au ministère des Finances, et Alain, 59 ans, fraîchement retraité d’une entreprise de robotique, dévorent un kouign-amann (pâtisserie "pur beurre") en décernant des bons points au gouvernement. Fonctionnaire, elle pensait partir à la retraite à 58 ans. La réforme la contraint à travailler deux années en sus. " Tant pis, assure-t-elle. Il faut voir l’intérêt enfants... " Puis en chœur : "Jospin était un ventre mou. Raffarin a fait ce qu’il fallait. Maintenant, il ne faudrait pas qu’il aille trop loin. " Pause. "Remarquez, s’il abusait, ce serait bon pour la gauche..." Car ce couple qui vit à Auvers-sur-Oise, dans la région parisienne, a voté Chevènement au premier tour. En 2004 aussi, leurs suffrages iront à gauche, "c’est sûr".

Aussi sûr que Joseph et Juliette Puillon, patrons de l’hôtel Ty Mad, le plus grand de l’ile, sont, eux, de vrais Grésillons et de vrais... " gaullistes ". Or, pour un peu, leur discours serait moins catégorique : "Ils ne font pas tout bien, mais ils essayent de faire quelque chose, note Joseph, qui a commencé comme mousse à 12 ans, sur les mythiques thoniers de Port Tudy. Sarkozy, surtout, a rétabli la loi. Maintenant, les gens ont peur, et il y a moins de tués sur les routes. " L’argument reviendra plusieurs fois au cours de cette balade bretonne. Juliette, elle, ne s’en laisse pas conter : "Je vais écrire au ministre du Tourisme pour lui dire qu’il y a deux sortes de traitement pour les hôteliers, selon qu’ils sont au sud ou au nord de la Loire : nous, on est tout le temps contrôlés..."

" Contrôle ", le mot hérisse Thomas, 27 ans, venu écouter des chants de marins à L’Enfer, le bar disco local. On ne la lui fait pas, à Thomas : "Sarko fait n’importe quoi. A force de nous poussera bout, ça va exploser. Il l’aura cherché. " "Ici, on est autonome" Le jeune homme habite depuis plus de trois ans le squat de la Miroiterie, à Ménilmontant. A Groix, il dort chez sa mère. Altermondialiste, il dit vouloir "dégommer" le gouvernement, mais pas pour mettre des socialistes ni de l’extrême gauche, d’ailleurs". Qui, alors ? Il ne sait pas.

Arrive Arnaud, un ilien - il vit plus de huit mois par an sur une île - connu de tous. Jardinier l’hiver et animateur pour la Caisse d’allocations familiales (CAF) d’un centre familial l’été, il vit "avec moins que le Smic. Le gouvernement taille dans les budgets sociaux. Une catastrophe. L’année prochaine, c’est sûr, mon CDD de trois mois à la CAF sera zappé".

Les coupes budgétaires préoccupent tout autant Eric Régénermel, le maire sans étiquette dont 20 des 2 300 administrés ont plus de 70 ans : "Le maintien à domicile est en danger. L’APA [aide aux personnes âgées] a, en effet, été réduite. Raffarin mène une politique de droite qui avance masquée. " Le médecin généraliste - sa seconde casquette - est moins intraitable : "Les déremboursements ne me choquent pas. Le Vidal est beaucoup trop gros. Et puis on a obtenu la consultation à 20€. La grande erreur de la gauche, c’est d’avoir méprisé les médecins généralistes."

A quelques coups de pédale du port, à la pointe orientale de l’île, s’étirent les Grands Sables, l’unique plage convexe d’Europe, accessible au terme d’un dédale torsadé de lierre, de fougères et de ronces. Romain, prof de philo toulousain, y roule un joint. "Après les avoir embrasés, le gouvernement a réussi à apaiser les esprits des enseignants avant la rentrée. Bien joué." Il hésite : " Enfin, c’est ce que j’ai cru comprendre. Ici, vous savez, on est détaché du continent. Pas seulement par la géographie. "
(...)