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"Dans les temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire"

Sous le grand débat, la manipulation Macron

Publié le 3 février 2019 à 02:34

JE SAIS je n’ai pas le droit mais je le prends !

Emmanuel Macron a décidé de transformer le grand débat en une campagne de communication. À trois mois des européennes, il monopolise l’attention des médias et fait financer sur fonds publics une campagne électorale aussi inédite que déséquilibrée. Et cela ne choque ni le CSA, ni la Commission des comptes de campagne ?

« Historique » : c’est François Bayrou, le 30 janvier, sur France Inter, qui a trouvé le mot le plus juste pour qualifier le grand débat national voulu par Emmanuel Macron. Historique assurément, mais pas dans le sens où l’entendait le président du Modem. Car loin d’être l’immense agora publique que le gouvernement prétend avoir organisée, permettant à tous les citoyens, et notamment aux gilets jaunes, de faire connaître les mille et une colères qu’ils peuvent éprouver, et toutes les réformes qu’ils appellent de leurs vœux.

Loin d’être ce moment rare où le peuple peut avoir le sentiment d’avoir vraiment la parole et d’être non seulement écouté mais entendu, le grand débat national s’est transmuté en son exact contraire : une machination ourdie par l’Élysée pour permettre à Emmanuel Macron de continuer à n’en faire qu’à sa tête.

Sans doute est-ce même plus inquiétant que cela. Car, en transformant le grand débat en une campagne de communication à son profit, à quelques mois d’une échéance électorale importante, celle des européennes, le chef de l’État monopolise de la sorte l’attention des médias et fait financer sur fonds publics une opération qui s’apparente à une campagne électorale aussi inédite que déséquilibrée.

L’affaire pose assurément de graves questions démocratiques, qui méritent d’être examinées de près.
Souvenons-nous d’abord des faits, que notre récente enquête a révélés. En publiant de nombreux documents confidentiels et d’innombrables échanges de courriels entre la présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP) Chantal Jouanno et les principaux collaborateurs d’Édouard Philippe à Matignon, en révélant la teneur de réunions de travail à l’Élysée, nous avons raconté comment, depuis le début, le gouvernement a tout fait pour que le grand débat, voulu par Emmanuel Macron pour tenter de sortir de la crise des gilets jaunes, ne soit pas encadré par les règles d’honnêteté et d’impartialité, qui doivent prévaloir pour tout débat public de ce type, à l’échelon local comme national.

Le gouvernement a bien fait appel à Chantal Jouanno pour piloter le grand débat, mais seulement « à titre personnel ». Et quand celle-ci a répondu que c’était inconcevable d’intervenir indépendamment de la CNDP, et que le gouvernement devait donc faire une saisie officielle de et s’engager à respecter toutes les règles, la crise s’est nouée. Avec en point d’orgue, une méchante boule puante avec la divulgation de la révélation du salaire de Chantal Jouanno.

Ces règles démocratiques, dans lesquelles Matignon et l’Élysée n’ont pas voulu être enserrés, sont très précises. Conçues à l’origine pour encadrer les débats publics liés aux questions environnementales, elles sont encadrées par les articles L121-8 au L121-15 du code de l’environnement et par les articles R121-8 et suivants du même code. Et puis surtout, dans leur application concrète, elles sont définies par la charte de déontologie de la CNDP (que l’on peut consulter ici (pdf, 70.8 kB)).

Concrètement, les valeurs principales du débat public – celles dont précisément le gouvernement a voulu s’émanciper – sont nombreuses. Le site Internet de la CNDP les résume par ce tableau :
tabb

D’abord, il y a donc « l’indépendance ». En clair, pour qu’un débat soit honnête, il ne peut pas être piloté par un responsable public – élu, ministre, chef de l’État – qui aura ensuite à tirer les enseignements du débat. C’est donc très précisément la raison d’être de la CNDP que de garantir cette indispensable « indépendance » : « La CNDP est une autorité administrative indépendante (AAI). C’est une institution de l’État placée en dehors des hiérarchies administratives traditionnelles ; elle n’est pas soumise à l’autorité d’un ministre. Ce statut lui permet d’être totalement indépendante à la fois des élus, des collectivités territoriales et des maîtres d’ouvrages privés qui la saisissent. »

Or, dans le cas présent, avec le grand débat, nulle indépendance ! C’est Emmanuel Macron qui, de bout en bout, est à la manœuvre. Et, pour piloter le grand débat, le gouvernement a choisi de remplacer Chantal Jouanno par Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, et Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales (lire ici).

À plusieurs reprises, Chantal Jouanno s’était inquiétée que le gouvernement fasse des incursions dans le débat et que celui-ci ne soit dès lors pas indépendant. Elle avait insisté en faisant valoir que les personnalités animant ce débat devaient être totalement impartiales. À chaque fois, le gouvernement avait assuré, sans vraiment convaincre, qu’il était sur la même longueur d’onde. Or le choix d’un ministre et d’une secrétaire d’État pour piloter un débat dont l’enjeu porte sur la politique du gouvernement contrevient naturellement à cet engagement d’indépendance.

Avec deux ministres aux manettes, le débat ne sera ni libre ni indépendant. C’est comme si le gouvernement confiait au patron d’EDF le soin de garantir l’impartialité d’un débat sur la politique nucléaire.
Emmanuel Macron juge et partie

La seconde valeur d’un débat public honnête, telle qu’elle est définie par la CNDP, c’est la « neutralité » : « La CNDP et les commissions particulières nommées pour chaque débat doivent rester neutres en toutes circonstances. En aucun cas, elles ne doivent exprimer un avis ni une recommandation sur le fond du dossier. Le compte-rendu de chaque débat, établi par le président de la commission particulière, doit relater les apports des uns et des autres de manière exhaustive et purement factuelle. Le bilan, établi par le président de la CNDP, porte une appréciation, non sur le contenu ou le fond du débat, mais sur son déroulement et les conclusions et enseignements que l’on peut en tirer pour la poursuite du projet. »

Or, de cette « neutralité », Emmanuel Macron n’a jamais voulu entendre parler – et c’est précisément pour cela que le gouvernement a refusé de faire une saisine officielle de la CNDP qui l’aurait contraint à respecter ces procédures. La neutralité aurait en effet voulu que les citoyens mettent sur la table tous les sujets qu’ils souhaitent, sans que le débat ne soit constamment orienté, encadré, et pour tout dire cadenassé. Cela s’est senti dès le début quand, lançant le grand débat, Emmanuel Macron a écrit sa « Lettre aux Français ».

Car cette lettre n’invitait pas à un débat ouvert. Non, d’emblée, le débat a été fermé – ou plutôt enfermé dans la doxa libérale, suggérant que, quoi qu’il se passe, le gouvernement ne changerait pas de politique (lire ici). « Comment pourrait-on rendre notre fiscalité plus juste et plus efficace ? Quels impôts faut-il à vos yeux baisser en priorité ? », demandait ainsi ingénument Emmanuel Macron. Comme s’il était hors de question de demander le relèvement de certains impôts, comme ceux sur les revenus du patrimoine et du capital.

« Quelles sont les économies qui vous semblent prioritaires à faire ? », poursuivait le chef de l’État, suggérant ainsi qu’il serait hors de propos de plaider pour des mesures allant à l’encontre de la politique d’austérité. « Faut-il supprimer certains services publics qui seraient dépassés ou trop chers par rapport à leur utilité ? », demandait-il encore, jouant perpétuellement des mêmes thématiques néolibérales.

En bref, le grand débat a été lancé, dès le premier jour, sur un registre contrevenant à ce principe de neutralité. Et chaque jour qui passe apporte de nouvelles illustrations de cette violation du principe de neutralité. Alors que selon les règles de la CNDP, les responsables publics auraient dû être dans une posture d’écoute, sans peser d’aucune manière sur le débat, ni préjuger de ses conclusions, chaque ministre a son mot à dire. Tant et si bien que dans les médias « mainstream », privés comme publics, ce sont même les ministres qui monopolisent la parole.

Un jour, c’est le ministre du budget qui se prononce pour la suppression définitive de la taxe d’habitation ; le lendemain, c’est le premier ministre qui se dit favorable à un sixième taux pour l’impôt sur le revenu ou qui lâche à propos du référendum d’initiative citoyenne : « Le RIC, ça me hérisse »…

La valeur de « transparence » complète celle de neutralité : « La CNDP doit s’assurer, dans le cadre des débats publics et des concertations qu’elle organise, que l’ensemble des informations et des études disponibles sur le projet concerné a été mis à disposition du public. Au cours des débats, aucune question n’est écartée, aucune censure n’est exercée, aucun avis exposé dans le respect des modalités du débat public ne peut être mis à l’écart. Cette transparence, essentielle pour la démocratie, doit également se retrouver dans les réponses apportées aux questions des citoyens. La CNDP veille à ce que ces réponses soient complètes et aussi satisfaisantes que possible. »

Or, là encore, le grand débat tel qu’il se déroule actuellement est le parfait contre-exemple de ce principe de transparence. Car dès l’origine, dans sa lettre aux Français, Emmanuel Macron avait lui-même clairement fait comprendre que des questions étaient écartées, hors débat.

La question de l’ISF, par exemple, bien que son rétablissement soit demandé par tous les gilets jaunes. « L’impôt, lorsqu’il est trop élevé, écrivait le chef de l’État, prive notre économie des ressources qui pourraient utilement s’investir dans les entreprises, créant ainsi de l’emploi et de la croissance. Et il prive les travailleurs du fruit de leurs efforts. Nous ne reviendrons pas sur les mesures que nous avons prises pour corriger cela afin d’encourager l’investissement et faire que le travail paie davantage. Elles viennent d’être votées et commencent à peine à livrer leurs effets. Le Parlement les évaluera de manière transparente et avec le recul indispensable. Nous devons en revanche nous interroger pour aller plus loin. »

Tout le monde a donc compris que l’ISF mais tout autant la flat tax ou le CICE constituaient des lignes rouges. Alors que dans un débat authentiquement démocratique, il n’y a naturellement pas de lignes rouges.

Et puis, la question de la « transparence » soulève d’autres questions majeures : où sont entreposées toutes les données majeures ? Sont-elles en permanence accessibles à tous les citoyens ? Et surtout qui fait la restitution du grand débat ? Est-ce une autorité indépendante ? Ou bien est-ce le gouvernement lui-même, au risque qu’il torde la restitution, de sorte qu’elle soit en ligne avec les décisions qu’il prendra ultérieurement ?

Ce sont évidemment des questions majeures, dont dépend l’honnêteté du débat public, et en écartant la CNDP, le gouvernement a clairement fait comprendre qu’il entendait être juge et partie. C’est-à-dire méconnaître ces principes de neutralité et de transparence, sans lesquels le débat public est faussé.

Enfin, dans les règles de la CNDP, il y a encore une autre valeur, qui est celle de « l’égalité de traitement ». « Toute personne se sentant concernée par le projet doit pouvoir participer au débat. La CNDP met donc en œuvre tous les moyens pour que chacun, quel que soit son statut (citoyen, membre d’association ou de syndicat, élu local, représentant de l’État, etc.), quelle que soit son opinion, quelles que soient son implication et ses motivations, puisse s’exprimer librement et soit traité de la même manière, avec la même équité. C’est à cette seule condition que la participation du public prend toute sa légitimité. La CNDP veille particulièrement à ce que chacun puisse faire valoir son point de vue », lit-on sur le site de la CNDP.

Traduction : dans un débat public digne de ce nom, tous les citoyens sont égaux, quelles que soient leurs fonctions. Simples citoyens, ou maires, ou députés, ou même président de la République, ils ont tous le droit d’intervenir, mais dans les mêmes conditions. Aucun n’est au-dessus de l’autre. Il n’y a donc pas de responsable public qui domine le débat de la tribune, ou qui se met au centre du débat. Il n’y a aucun responsable public qui ouvre le débat ou qui le conclut : l’égalité doit être totale.

Or, si l’on veut bien observer ce qu’il est advenu du grand débat national depuis qu’il a été lancé, ce principe d’égalité de traitement a été constamment violé. Dans d’innombrables réunions, ce sont les deux ministres qui ont distribué la parole à leur guise. Et souvent, ce sont des personnes préalablement désignées par les préfets des départements concernés qui ont eu accès aux micros.

C’est même plus grave que cela. Dans d’innombrables cas, quand Emmanuel Macron a fait intrusion dans le débat public, l’égalité de traitement a été violée pour céder la place à un « One man show » présidentiel.
Grand Débat avec les habitants de Bourg-de-Péage © Élysée
Un État de droit bien malade

Il s’agit d’une photo prise le 24 janvier lors du débat avec les habitants de Bourg-de-Péage. Mais s’agit-il d’un débat ? En réalité, la vidéo qui retrace les échanges montre clairement qu’il ne s’agit pas d’un débat où tous les participants sont égaux. Non, le chef de l’État est au centre de tout. C’est lui qui distribue la parole, c’est lui qui parle, c’est lui qui répond. Ce n’est pas un grand débat, c’est un meeting de campagne, très proche des scénarios dont raffolait Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle.

Car, en vérité, lorsque l’on examine toutes les péripéties du grand débat, tout conduit à la même conclusion : si Chantal Jouanno a été mise sur la touche et si sa commission n’a pas été saisie, c’est qu’Emmanuel Macron a pris prétexte d’un supposé grand débat pour entrer en campagne. Non pas pour consulter les Français et les écouter, mais pour se jeter dans la mêlée, à quelques mois des élections européennes, et battre les estrades à son unique profit.

Au mépris des règles du débat public, Emmanuel Macron a décidé de mobiliser les moyens de l’État, en même temps que l’argent public, pour se financer à bon compte une campagne avant l’heure. Et si tel est le cas, il est important d’observer comment les rouages démocratiques ont fonctionné – ou dysfonctionné – pour interdire ou favoriser cette manipulation du débat public.

La CNDP, concernée au premier chef par l’histoire, a donc refusé de se faire instrumentaliser, Chantal Jouanno refusant d’accompagner l’opération, au prix de quelques crachats médiatique, et de peu de signes de soutien, en tout cas publics, malgré la rectitude de son attitude.

Mais dans l’affaire, il existe d’autres autorités administratives indépendantes (ou supposées indépendantes) qui pourraient se sentir tout autant concernées.

Il y a d’abord le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Car depuis que le grand débat a commencé, c’est un véritable rouleau compresseur qui s’est mis en branle dans tous les médias, privés mais aussi publics. Il n’est pas un média « mainstream » qui n’applaudisse et salue le succès de l’initiative. Le 30 janvier, au lendemain des révélations de Mediapart, France Inter n’y a fait aucune allusion lors d’un entretien avec le ministre chargé du grand débat, Sébastien Lecornu, préférant lui demander si le grand débat était dès à présent « un succès ».

Or, face à une campagne à peine cachée du chef de l’État, multipliant les opérations de communication à quelques encablures des élections européennes, le CSA dispose naturellement de moyens pour y mettre un terme. Non sans raison, le parti Les Républicains a d’ailleurs interpellé l’autorité indépendante dès le 28 janvier, pour lui enjoindre de faire respecter « l’équilibre des temps de parole ». « Nous sommes en effet assez étonnés des one-man-shows successifs » du chef de l’État, a déclaré l’un des porte-parole de LR, Gilles Platret, lors d’un point-presse. « Le monopole de la parole présidentielle, en tout cas en direct, sur un grand nombre de médias en information en continu – non pas que les médias soient en cause – nous interroge, et nous nous permettons de formuler vis-à-vis du CSA des interrogations sur le respect de l’équilibre de la parole publique. »

Mais jusqu’à présent le CSA est resté muet, sans faire savoir les suites qu’il entendait donner à cette interpellation. En clair, une première autorité administrative indépendante a courageusement assumé ses responsabilités, quand la seconde est pour l’instant évanescente.

Il y a enfin une autre autorité indépendante qui pour l’instant brille par son silence. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Alors qu’il est maintenant avéré qu’Emmanuel Macron a mis sur la touche la CNDP pour mener une campagne de communication à son seul profit, on ne peut s’empêcher d’observer qu’il le fait sur fonds publics.

Or cette campagne de communication, organisée de bout en bout pour permettre à Emmanuel Macron d’essayer de reprendre pied, et de surmonter la crise des gilets jaunes, va coûter une véritable fortune. S’il s’agissait d’un véritable grand débat, honnête et impartial, on ne pourrait que s’en réjouir. Mais comme il s’agit d’une campagne de com’ qui ne dit pas son nom, cette utilisation des deniers publics à des fins personnelles retient pour le moins l’attention.

Pour connaître le coût de cette campagne de communication d’Emmanuel Macron, nous avons donc interrogé les deux ministres chargés du grand débat. On trouvera sous l’onglet « Prolonger » associé à cet article, les réponses qu’ils nous ont fait parvenir.

En réalité, le gouvernement ne communique que très peu d’informations, arguant que toutes les données financières ne sont pas encore connues et qu’elles seront rendues publiques en temps et en heure. Ce qui est certain, c’est que le grand débat, organisé pour le profit exclusif d’Emmanuel Macron, va porter « sur un coût estimé entre 10 et 15 millions d’euros », soit une somme pas très éloignée de ce que le candidat Emmanuel Macron a dépensé pour sa campagne pour le premier tour de l’élection présidentielle, soit 16 698 320 d’euros. Ce coût devrait être supporté par le ministère de la transition écologique et par le service d’information du gouvernement.

Et encore ! Cette somme de 10 à 15 millions d’euros devrait comprendre l’ensemble des dépenses prévues pour ce grand barnum, sauf celles engagées pour les shows… d’Emmanuel Macron qui, compte tenu de l’importante logistique engagée, vont aussi coûter très cher.
Compte tenu de l’énormité des sommes engagées, pourquoi le gouvernement ne publie-t-il pas un budget estimatif, quitte à le réévaluer périodiquement ? Pourquoi l’Élysée n’indique-t-il pas les sommes engagées par Emmanuel Macron ? À ces interpellations, nous n’avons reçu que cette réponse : « Le GDN est un exercice inédit et innovant de notre démocratie, qui rencontre un large enthousiasme auprès des Français. L’invitation faite à tous nos concitoyens de participer librement à un débat ouvert à l’expression de toutes les opinions ne peut en aucune manière être regardée comme une campagne de communication de l’exécutif. » Une assertion qui est en réalité démentie par les innombrables indices que nous avons révélés.

Alors, si la sincérité du grand débat n’est pas assurée et si Emmanuel Macron est en réalité entré en campagne à quelques mois des élections européennes, une troisième autorité administrative indépendante, la Commission des comptes de campagne et des financements politiques, n’aurait-elle rien à dire ? Qui ne dit mot…

Inquiétante situation, quoi qu’il en soit ! Voilà un président de la République qui viole toutes les règles du débat public et qui mobilise, à grands frais, les moyens de l’État pour mener une campagne à des fins personnelles ; et les rouages de la démocratie sont trop faibles pour enrayer cette mécanique. C’est dire si notre État de droit est bien malade. Car, somme toute, ce ne sont pas que les règles du débat public que le chef de l’État piétine ; ce sont tout autant les règles de la démocratie…

L. Mauduit mediapart 2/02/19

Commentaires :

  • L’histoire commence donc au début du mois de décembre. Emmanuel Macron a alors annoncé son intention d’ouvrir un grand débat national pour tenter de désarmer la colère des gilets jaunes et leur apporter la preuve qu’il est à l’écoute.

    Le 5 décembre, Chantal Jouanno, qui préside la CNDP, dont la mission est précisément d’être le garant de la neutralité et de l’impartialité de tous les débats publics organisés dans le pays, est donc approchée. Dans un premier temps, c’est Damien Cazé, conseiller au cabinet du premier ministre, qui lui demande si elle accepterait de piloter le grand débat. Mais la demande est curieusement formulée : son interlocuteur lui demande si elle accepte de le faire « à titre personnel ». Réponse de Chantal Jouanno : c’est impossible ! Si le gouvernement veut la saisir, cela ne peut être qu’ès qualités, comme présidente de la CNDP. Il faut donc que le gouvernement respecte les procédures et fasse une saisine officielle de la CNDP.

    Le sous-entendu est très clair : la CNDP est régie par des règles. Et si le gouvernement veut faire appel à elle, il devra les respecter. Comme dans tous les débats organisés par la CNDP, il ne peut y avoir de « lignes rouges », c’est-à -dire de sujets interdits. La neutralité et l’impartialité des débats devront être assurées, et c’est la CNDP qui en est nécessairement le garant – et non un ministre ou un responsable politique. Tous les intervenants dans le débat sont égaux : en clair, la parole d’un président de la République, s’il intervient, ne peut pas peser plus que celle d’un autre citoyen. Ou alors, si le président ou un ministre participe, ils ne peuvent présider la séance ni être sur une tribune ou au centre de la salle, de sorte que tous les participants soient égaux. Quant aux restitutions et au compte-rendu final des débats, c’est aussi la CNDP qui doit en avoir la maÎtrise, de sorte qu’ils ne soient pas biaisés par quiconque. Toutes ces règles, la puissance publique les connaÎt évidemment, et le premier échange ne fait qu’y faire allusion.
    Alors pourquoi Damien Cazé demande-t-il à Chantal Jouanno de piloter le grand débat « à titre personnel » ? Le gouvernement souhaite-t-il obtenir la caution de la présidente de la Commission, mais sans saisine officielle, c’est-à -dire en s’émancipant des procédures démocratiques de la commission ? Ce même 5 décembre, un autre indice peut le suggérer. Il transparaÎt du courriel (voir ci-dessous) que Chantal Jouanno adresse au même Damien Cazé mais aussi à Thomas Fatome, qui est le directeur adjoint de cabinet d’Édouard Philippe. Chantal Jouanno leur signale que deux ministres, Jacqueline Gourault et Muriel Pénicaud, « rencontrent demain les organisations syndicales et associations d’élus ». Et la présidente de la CNDP d’ajouter : « Elles envisagent de définir et valider avec eux la méthode et l’organisation du débat. Ceci n’est pas en cohérence avec la volonté affichée de confier à une autorité indépendante cette organisation pour en garantir la neutralité. »
    (Mediapart)

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