"Anita, de Groix"

"Dans les temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire"

Petite et Grande Histoire

Publié le 11 décembre 2018 à 22:11 - 1ere mise en ligne le 9 décembre 2012

Le Groisillon des Balkans

Guide touristique en Bosnie-Herzégovine, Selvir Galesic, 34 ans, manie un français parfait, élégant et chaleureux. Il l’a appris sur l’île de Groix quand, enfant, sa mère a pu venir l’y protéger de la guerre des Balkans. Et il n’est pas prêt de l’oublier.

« Avec mon grand frère et ma mère, nous avons fait partie des premiers réfugiés évacués de Sarajevo assiégée en 1993. Nous ne savions pas où le bus nous amenait. Puis, on nous a dit que ce serait en France. Quelque part. » Zaida, la maman, et ses fils Semir et Selvir, débarquent donc un beau matin sur un bout de terre dont ils n’ont jamais entendu parler pour oublier les tirs de canons, les snipers et les morts aux coins des rues de Sarajevo sous le feu des bombes. Sur l’île de Groix, 2200 habitants, les sœurs de la communauté des Filles du Saint-Esprit se sont portées candidates à l’accueil d’une mère et ses enfants. Les trois Galesic y sont chaleureusement accueillis. « Nous étions gênés, nous musulmans, face à ces religieuses catholiques si prévenantes, se souvient Selvir. Quand nous lui avons dit notre religion, le mère supérieure s’est exclamée : ’et alors, il n’y a qu’un seul dieu, non ?’ Dès cet instant, nous n’avons connu grâce à ces religieuses que des jours heureux ! »

Des guides...

Sur l’île, les réfugiés de Bosnie voient tous les bras s’ouvrir. A la télé, les atrocités de la guerre sont omniprésentes et chacun tient à être solidaire. Le mal du pays taraude pourtant la famille. « Pour nous, notre place était à Sarajevo et dès que la paix a été signée, ma mère et moi avons sauté dans un des premiers bus de retour de réfugiés en 1996. » Selvir a alors 12 ans et son grand frère qui est au lycée à Lorient va lui rester en Bretagne. « Dans le bus bondé du retour, les gens allaient tenter durant quelques jours de retrouver leurs proches dont ils étaient sans nouvelles ou revoir leurs maisons. Nous étions les seuls, ma mère et moi, à être montés pour revenir nous réinstaller déjà chez nous. » La vie reprend alors un cours délicat dans les ruines de Sarajevo. « Nous avons eu le bonheur de recevoir la visite de monsieur Dominique Yvon, maire de Groix, s’émeut encore Selvir. Il apportait des cadeaux de tous les habitants. Un grand moment inoubliable. » La petite famille accueillera aussi les bras chargés de cadeaux et lettres de soutien un officier casque bleu, contrôleur de l’ONU pour le maintien de la paix... le chef de la brigade de gendarmerie de Groix.

...un guide

Selvir, qui a appris un français parfait lors de ces trois années auprès des sœurs de Groix, veut un métier manuel. Il opte pour un BTS d’électronicien qu’il peut suivre... à Lorient. De 2006 à 2008, le voici donc de retour en Bretagne avec la ferme intention de retourner apporter son savoir-faire dans son pays. « J’étais forcément le plus âgé au lycée Saint-Joseph, ça faisait drôle parmi ces jeunes ados, mais je sentais le regard amical des gens qui connaissaient mon histoire, et surtout bien sûr des Groisillons. » Diplôme en poche, il reprend la route de la Bosnie-Herzégovine. L’hiver, il y exerce son métier et dès les beaux jours, il se transforme en guide émérite pour les touristes francophones. « S’il vous plaît, vous qui venez de Bretagne, passez le message à tous les habitants de Groix et de Lorient que nous les aimons et ne les remercierons jamais assez. Ma mère, mon frère et moi y avons rencontré tant de compréhension, solidarité et amitié. Nous n’oublierons jamais. Merci de tout cœur. » Message passé.

Yves Pouchard - Salaünmag,com 13/08/18

Commentaires :

  • Quel plaisir de revoir Selvir ! Il m’est arrivé de rencontrer Zaida qui a gardé des liens amicaux sur Groix mais la photo de Selvir c’est vraiment super.

    Je me souviens, quand ils ont quitté Groix, les soeurs ont laissé dans le hall de leur maison la raquette et la balle de Selvir pour penser à eux chaque jour. Je me souviens aussi de la joie et de l’excitation de mes enfants lorsque Selvir est arrivé à l’école saint Tudy :

     "Maman, maman, il y a des vrais nouveaux sur l’Île !"
     "Des vrais nouveaux ? "
     "Ils viennent d’arriver et il ne parlent même pas français !"
    Le summum de la nouveauté donc.

    Merci Anita pour ce rappel de souvenir........................................................ Elizabeth

  • Que de souvenirs ! Je me rappelle qu’il était dans ma classe en primaire à Saint Tudy et c’était un bon copain qui venait construire des cabanes avec nous dans le bois de Lomener :-). Ravie d’avoir de ses nouvelles !
    Emilie

  • le plus drôle en la circonstance (si je peux me permettre...) c’est que lorsque Selvir et sa famille arrivaient à Groix, un militaire (devenu Groisillon par la suite) partait à Sarajevo et rentrait au pays quand Selvir regagnait le sien.
    Qui ose dire que l’on manque un peu d’ouverture d’esprit à Groix ?
    AM

  • Je me souviens aussi d’avoir accueilli Dragan à Lille, (un souvenir gravé à jamais dans ma mémoire)... et d’avoir vu passer à Groix, Handall et Ahmed, tous deux venus du Soudan (oh mon Soudan, pour un air démocratique on te casse les dents). Dans l’indifférence totale. Sans curé, ni trompette, ni maire, ni personne.
    Et combien d’autres aurions-nous pu accueillir ? : soudanais, syriens, irakiens, yéménites et autres gueux, laissés pour compte de notre merveilleuse mondialisation.
    Chapeau bas, à tous ceux et toutes celles qui se battent encore, sans gilet (de quelconque couleur).
    Et je me demande souvent pourquoi moi, je n’y arrive plus.
    Caro

  • C’est très bien Caro de rappeler que deux jeunes Soudanais ont été accueillis l’an dernier à Groix. Mais
    - un, ce n’est pas "sans personne" : les deux généreuses femmes qui les ont accueillis méritent notre reconnaissance et aussi les quelques particuliers qui ont peu ou prou participé à leur fournir un temps argent et nourriture. Parmi ceux-là , certains sans beaucoup de moyens. Il faut aussi remercier dans ce cadre, le conseiller municipal, délégué aux affaires sociales.
    - Des renseignements avaient été pris pour en accueillir davantage mais la réglementation concernant les réfugiés était draconienne : on ne peut recevoir que des personnes dûment inscrites dans un cadre officilel, dans l’attente de leur régularisation et celles-ci doivent se rendre à Lorient ou à Vannes à plusieurs reprises pour leurs démarches ce qui multiplie les frais, (sans compter la présence à des cours continentaux de français).
    Cette réglementation est toujours d’actualité. Notre fille qui partage l’accueil d’un couple (et donne des cours pour migrants) me l’a confirmé.
    - Il n’est même pas envisageable d’accueillir ici des clandestins ; le "t’as pas su" ne pardonnerait pas !!!
    Par contre si de bonnes âmes voulaient bien employer LEGALEMENT dans la restauration ou le bâtiment des réfugiés non clandestins, nous pourrions être un peu plus fiers de notre commune !!
    - N’oublions pas qu’on peut compenser l’absence d’actes directs par des dons aux associations concernées et par des signatures de pétitions.
    AM
    (il se peut aussi que nous soyons quelques uns à avoir dans notre vie aidé au séjour de "refugiés politiques", malgré des risques évidents pour notre liberté !).
    La population n’est donc pas faite que d’indifférents au malheur des autres

  • Ben oui Anita, je sais bien tout ça.... et c’est bien pour cela que je suis désespérée du sort de ces personnes qui errent sur notre planète en quête de survie....
    Il n’était pas dans mon intention de culpabiliser qui que ce soit, (je sais que des personnes se sont mobilisées ici) mais plus de constater qu’à force de politiques migratoires restrictives et de lois scélérates, la générosité n’est plus possible....
    J’ai du mal exprimer cela.
    Caroline

  • j’ai simplement voulu corriger l’impression dépressogène que laissait ton commentaire : ta désespérance ne devait pas renforcer l’indifférence, l’égoïsme voire le racisme latents !
    AM

  • J’ai connu les trois Galesic alors que je présidais une association d’aide à des orphelins en Bosnie à Donji Vakuf, amicalement.

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