Les Iles vues par Le Figaro
Les îles françaises ont le vent en poupe
Quand on évoque les îles, ces puissants aimants qui agrègent tous les idéaux de l’homme moderne bousculé - le calme dans la tempête, la nature préservée, des limites rassurantes dans un monde sans frontières... -, les avis sont toujours tranchés.
.../...Tous les amoureux célèbres des îles françaises les ont promues avec passion, ignorant que dans leurs traces prestigieuses allait s’engouffrer la France des congés payés et se développer le tourisme de masse, pour le meilleur et pour le pire des îles elles-mêmes.
.../...Le tourisme est une chance et une malédiction, une manne pour le territoire mais aussi la cause de sa désertification : les prix du foncier flambent, écartant d’office une population locale prête à y vivre à l’année. L’économie tertiaire se développe, tandis que chutent les activités traditionnelles, l’élevage, le maraîchage et la pêche bien sûr, qui sont aussi la richesse culturelle de ces terres isolées.
.../...Face à la mondialisation, et comme nos aïeuls déroutés par un progrès irrésistible, nous apprécions les limites que nous impose l’île, à l’intérieur desquelles tout est familier. « Il faut autour de soi, pour exister, des réalités qui durent », disait Saint-Exupéry, et l’île, bornée, cadrée par ses frontières, est de celles-là.
.../... Elle rend les hommes plus égaux, appréciant de se retrouver entre bipèdes qui, s’ils ne partagent pas tout, partagent l’essentiel : l’insularité, héréditaire ou d’adoption. Laquelle est une vaste problématique. Qui mérite le titre d’îlien ? Celui né sur l’île mais qui n’y vit pas ? Celui qui y vit mais n’y est pas né ? Celui qui ne fait que passer ? « C’est un statut difficile à cerner, mais qui participe au brassage social », explique le géographe L. Brigand. « Ce qui est sûr, c’est que l’îlien de "souche" ne considère pas de la même manière les résidents secondaires bien installés et la marée humaine déversée quotidiennement en été. Mais il est remarquable de constater que, même à la journée, le touriste se sent chez lui. C’est la magie de l’île : on s’en empare tout de suite. »
La Bretagne reste confidentielle. Ici, on préfère au tapage médiatique le silence retentissant de la terre insulaire. Car, comme l’écrivait Italo Calvino, « Les îles ont un silence qu’on entend. »
F. Halimi Le Figaro 15/07/11