LE THON LIBRE - N° 12 - suite et fin
6 commentairesFiction
Novembre 2050. Après une journée brûlante,
le crépuscule annonce un peu de
fraîcheur sur le littoral breton. Assis au
bord de la terrasse d’un bungalow délabré,
un homme au soir de sa vie et un adolescent
à l’esprit vif, tous deux pieds nus
dans le sable, dialoguent en contemplant
le rougeoiement paisible d’un coucher de
soleil :
— Raconte-moi, grand-père, c’était comment
les années 2000 ?
— Ah ! Mon cher petit nous pensions être
des dieux, qu’il nous suffisait de vouloir
pour pouvoir. Notre avidité n’avait d’égal
que notre naïveté. Nous pensions qu’il
était normal de disposer d’une tonne de
mécanique et de technologie pour nos
moindres déplacements, de faire fabriquer
nos chemises en Chine avec du coton
indien et de manger du poisson venu par
avion d’Afrique…
— C’est vrai grand-père, tu as mangé du poisson
sauvage ?
— Oui mon petit, et c’était bien meilleur que tout
ce qu’il te reste à manger aujourd’hui, hélas !
— J’ai appris au collège que tous les pays
espéraient accéder à toutes ces choses
extraordinaires que tu me racontes, mais
que ça n’a pas été possible…
— C’est vrai fiston, on s’est vite aperçu qu’il
n’y en aurait pas pour tout le monde : de
l’énergie, de quoi manger, des matières
premières, de l’eau potable aussi. Mais
on s’est dit que tout irait bien, qu’on trouverait
des solutions puisqu’on en avait
toujours trouvé. Et pendant ce temps
l’atmosphère et l’océan se réchauffaient,
les déserts progressaient, des espèces disparaissaient
chaque jour, enfin… tu sais
bien ! Tout le monde le sait désormais…
— Oui grand-père, c’est pour cela que notre
génération doit tout compter et mesurer :
chaque goutte d’eau, chaque kilowatt,
chaque émission de C02, chaque mètre
carré de terre cultivable. Nous devons
vivre avec le peu que vous nous avez laissé,
et tout est sévèrement contrôlé par le
Gouvernement.
Une ombre de culpabilité assombrit le
visage du vieil homme :
— Oui mon pauvre petit, c’est parce que
nous, tes aïeux, nous n’avons pas su ou
pas voulu compter.
Les yeux clairs de l’adolescent se font
inquisiteurs :
— Mon prof d’Histoire nous a dit qu’il y avait
eu beaucoup de conflits, il a dit que le
gâteau devenait trop petit mais que personne
ne voulait diminuer sa part…
— Des conflits de toutes sortes mon garçon,
beaucoup de haine, de misère et de morts.
Avant que les dirigeants ne comprennent
enfin ce qu’était la survie même de l’espèce
humaine qui était en jeu.
L’adolescent secoue la tête de dépit puis
affiche un sourire sans joie, légèrement
boudeur :
— Vous ne pouviez pas être si heureux que
cela dans les années 2000 ! Certains avaient
tout ce qu’ils voulaient, jusqu’au plus
futile, quand d’autres se contentaient d’en
rêver. Comment se sentir heureux ainsi ?
Quand je pense que personne ne voulait
payer le vrai prix de ce mode de vie.
— C’est ta génération mon petit qui paye
maintenant le prix de ce bonheur factice.
Le petit fils relève crânement la tête :
— Je crois que nous n’aurons pas de mal à
être mieux dans notre peau que vous :
notre sobriété matérielle laisse de la place
et du temps pour d’autres choses plus
essentielles.
— Passer du temps avec son grand-père par
exemple ?
Un air de connivence s’installe doucement
dans leurs regards :
— Oui, même si ce grand-père a participé à
ravager la planète où je suis né ! Mais il
faut sans doute commettre des erreurs
pour comprendre et changer.
L’ancêtre a un sourire las, comme revenu
de toutes les illusions possibles :
— Merci de ton indulgence mon enfant. Mais
nous avons vraiment frôlé l’ultime catastrophe
!
Le petit fils trace un moment des figures
dans le sable, perdu dans ses pensées, puis
reprend :
— Et la démocratie, grand-père, on nous
en parle si peu à l’école. C’était quoi au
juste ?
Un voile d’inquiétude passe sur le visage
du grand-père qui jette un oeil furtif aux
alentours :
— Eh bien c’était aussi un luxe dont nous
avons usé et abusé : chacun pouvait
influer sur le destin de tous. Par son vote.
Évidemment, nous préférions voter pour
messes,
ceux qui savaient le mieux nous
rassurer. Mais les grands chambardements
sont arrivés et, tu sais, c’est un peu comme
en guerre : nos chefs ont proclamé l’état
d’urgence et puis la démocratie a laissé la
place à… autre chose. Mais motus sur ce
sujet si tu veux éviter les ennuis !
L’adolescent affiche alors un air furieux :
— Mais alors nous avons perdu cette liberté,
celle que vous aviez, vous à votre époque !
Le malaise du vieillard grandit, sa voix
devient tremblante et blanche, obligeant
l’enfant à tendre l’oreille :
— La liberté s’arrête où commence celle des
autres, et vous êtes enfermés dans bien
plus de contraintes que nous l’étions.
Il vous reste trop peu de ressources pour
beaucoup trop d’humains. Seul un
contrôle sévère peut empêcher les plus
avides de s’emparer du peu de richesses
qui reste sur Terre. C’est l’avidité qui, de
mon temps, a entraîné ces catastrophes et
ces conflits horribles.
Ses souvenirs lui semblent alors trop
lourds, il hoquète puis reprend dans un
murmure :
— Tu sais mon garçon, la liberté individuelle
est aussi devenue une ressource limitée :
soit beaucoup en profitent un peu, soit peu
en profitent beaucoup ! Je t’accorde que la
réalité est évidemment plus nuancée et que
certains privilèges ne seront jamais abolis,
mais chut ! Nous ne devrions même pas en
parler, c’est un sujet tabou de nos jours !
L’adolescent souffle alors, effaré, chuchotant
presque :
— Mais alors grand-père, ta génération ne
m’a pas seulement volé les richesses naturelles
de la planète !
L’ancêtre semble alors s’effondrer sur luimême
:
— Oui mon pauvre petit. Nous t’avons aussi
volé ta liberté…
Voir :
- début n° 1http://ile-de-groix.info/blog/spip....
- suite n° 2 http://ile-de-groix.info/blog/spip....
- suite n° 3 http://ile-de-groix.info/blog/spip....

Vos commentaires
# Le 8 décembre 2009 à 17:55, par didier metayer
et bien elle fait vraiment peur cette fiction, c’est ki ce dérangé du ciboulot ki ce permet d’écrire cela ? oyé ! oyé ! à toutes les femmes enceintes de la planète terre, courez vous faire avorter.
Ps : en + cette fiction a été retranscrite 2 fois
# Le 8 décembre 2009 à 18:04, par Anita
l’erreur ne vient pas du bulletin municipal mais seulement de la bisaïeule un peu surbookée ces temps-ci
seul ceux qui ne font rien ne font pas d’erreur :-))
# Le 10 décembre 2009 à 09:24
Je convie le rédacteur de cette surprenante fiction, à une partie de pêche en 2050, accompagné des grands pères pêcheurs-plaisanciers de l’Aumig, aux alentours du Kromig, pour voir s’il y subsiste quelque poisson sauvage.
Le « misainier », décidément optimiste.
# Le 10 décembre 2009 à 09:48, par Anita
à nos âges, cousin, il ne reste plus qu’à être optimiste (ou aveugle...)
sans cela, il faut emmener toute notre descendance sauter avec nous au Trou de l’Enfer !!
AM
# Le 10 décembre 2009 à 11:55, par Anita
je reçois quelques messages, naturellement non signés, qui taxent ce texte de ridicule.
Certaines personnes rappelant la hauteur de vue et le style du maire (même inaccessible pour quelques uns) pensent qu’il ne peut en être l’auteur ; mais alors qui ???
Pas grave, on a trouvé pire :
http://www.dailymotion.com/video/xbfr94_le-lip-dub-des-jeunes-de-lump-pirat_news
on peut enlever l’histoire, le français, les langues, la philosophie des programmes du bac, et remplacer par la composition style Jean Sarkozy et ... la pratique financière ...
AM
# Le 10 décembre 2009 à 12:24, par Anita
Luc Ferry : le clip musical de l’UMP est « dégoulinant de bêtise »
Pour le philosophe et ancien ministre de l’Education, le lipdub conçu par les jeunes de l’UMP et mettant en scène plusieurs ministres du gouvernement est « consternant » et « horrible ». « à‡a me choque vraiment que le show biz le plus médiocre puisse s’inscrire dans la politique », a-t-il déclaré .
Le Figaro