« LE BON VIEUX TEMPS ? »
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Les bouses de vache.
Quand nous passions notre temps de Jeunesse, et même plus avancées en âge, nous n’avions pas un sou. Et nous guettions quand les vaches faisaient leurs déjections ; Et nous allions ramasser les paquets de bouse et nous les roulions en boule ; Et avec une poignée de paille nous les aplatissions contre le mur ou bien sur l’herbe pour les faire sécher. Et quand elles étaient complètement sèches nous les retournions et les mettions au soleil à sécher. Et quand elles étaient bien sèches nous en faisions du feu.
Et nous étions à court de bois car il n’y avait pas de bois dans le pays. Et il n’y avait pas d’argent non plus pour en acheter ; Mais tant que nous avons pu nous avons fait du feu avec des bouses de vaches séchées. Et on les mettait au grenier pour les garder jusqu’à ce qu’on en aie besoin ; Et on faisait du feu avec de l’ajonc et avec des trognons, des trognons de chou. Et nous ramassions tout ce qui était sec. Et celui qui pouvait ramasser une bonne quantité de bouses de vache dans son étable ou dans son grenier pour l’hiver, était sauvé par là en hiver quand il n’y avait rien pour faire du feu.
Car souvent nous étions sans combustibles. Il n’y avait que de l’ajonc et il n’y avait pas beaucoup de genêt non plus. Car tout le monde ramassait le genêt. Et il y avait encore des disputes qui devrait aller le premier ramasser les plus grandes branches. Eh bien , voilà comment nous avons passé notre temps.
Vous voyez comment les Groisillons ont vécu dans l’ancien temps. Le pays était pauvre. Il n’y avait pas de gain, ni pour les hommes ni pour les femmes. Toujours il y a eu des gens pauvres partout. Mais nous n’avions même pas de bois pour faire du feu. Même si les gens étaient pauvres ailleurs ils avaient au moins des arbres à abattre.
Mais nous n’avions pas d’arbres, rien que de la mer et du vent
Le baptême.
Lorsque ma sœur était née en 1918, j’étais sa marraine. Et nous n’avions pas d’auto pour aller au Bourg. Mais nous avons quand même trouvé un char à banc qui nous avait transportés au bourg. Et nous étions contents, nous étions enfants. Mon frère était parrain et moi j’étais marraine. Nous voilà fait nos courses au Bourg, tout s’était passé au mieux.
Mais arrivés alors près de la maison rouge, sur la route du bourg , comme il faisait mauvais temps , que c’était un mauvais hiver et qu’il y avait du verglas, voilà glissé le cheval. Et voilà versé le char. Et voilà tombé tout le baptême. Celle qui conduisait le cheval était aussi tombée par terre et elle s’était cassé le bras. Mais cela ne l’a pas handicapée, car au jour d’aujourd’hui elle est toujours vivante et solide.
(l’informatrice montre sa sœur présente à l’enregistrement)
Et arrivés enfin à Kerlo nous disions : »Allons voir comment va la petite fille ! Elle est peut-être morte » parce que personne ne s’occupait d’elle. Mais non, lorsque nous l’avons désenveloppée, la petite était bien en forme ! mais l’autre malheureuse s’était cassé le bras. Mais c’est bien encore ça qui avait été le pire. Mais elle avait dit »Pourvu que ceux qui sont dans la charrette n’aient pas eu de mal, pour moi, ce n’est pas grave. Je guérirai »
Et bien nous voilà arrivés à la maison et mis la petite fille dans son berceau. Et la mère nous disait » Pourquoi mettez-vous la fille dans son berceau si tôt que ça ? Montrez-la ici donc ! Mais non il faut la laisser dormir et se reposer. »On n’avait dit mot à la mère avant deux ou trois jours « Ah, disait-elle si j’avais su je serais sautée à bas du lit ! Et sûrement , vous l’auriez eu ! Cacher cela à moi ! En voilà des choses ! »
Mais tout de même , tout cela ne l’a pas empêchée de grandir. Car maintenant elle a presque cinquante ans et elle est bien en forme. C’est celle-ci. (l’informatrice parle de sa cousine qui assiste à l’enregistrement)
C’est textes sont les traductions littérales des souvenirs de ces femmes et de ces hommes de Groix aujourd’hui disparus.
Témoignages poignants d’une époque pas si lointaine que même des nostalgiques invétérés auront du mal à appeler « le bon vieux temps »
Jean-claude Le Corre
_ Juillet 2017
Vos commentaires
# Le 8 juillet 2017 à 18:30, par Anita
Ces deux petits textes sont extraits d’un livre :
« Grammaire structurale du breton de l’Île de Groix »
_ ( édité en 1970 par l’Université d’Heidelberg)
Son auteur Elmar Ternes(Universitaire allemand) était venu travailler sur les particularités du dialecte breton de Groix ; dans son introduction il écrit :
« D’une façon générale le breton groisillon occupe une position linguistique assez isolée. Les dialectes bretons de la côte continentale opposée à Groix sont si différents que la communication entre les bretonnants de Groix et ceux de la zone cotière en face de Groix est , sinon impossible, tout au moins promise à quelques difficultés . La compréhension mutuelle entre le Groisillon et les dialectes vannetais non-côtiers est complètement impossible »
Pendant son séjour de six mois dan l’Île en 1966-1967 l’auteur a eu l’occasion d’enregistrer des femmes et des hommes âgés qui parlaient (du moins pour les femmes) presque exclusivement le breton local. Ses locutrices et locuteurs avaient entre 70 et 85 ans et les évènements dont ils parlent se sont déroulés au moment de la Grande guerre , à l’époque où Groix était, avec ses 300 dundées le plus important port de la pêche au thon de France.
J.C. Le Corre
# Le 8 juillet 2017 à 23:37, par Philippe Dagorne
Merci Jean Claude,
Encore un texte émouvant qui nous permet de mesurer ce qu’était la vie sur Groix il y a si peu de temps. Un siècle ? Ce n’est pas grand chose , l’espérance de vie d’un bébé qui naÎt aujourd’hui. Ce bébé ne tombera pas du char et ne sera peut-être pas baptisé mais, durant toute sa vie, ne devra jamais oublier ce que fut la vie de ses aïeux...
# Le 9 juillet 2017 à 09:24, par Anita
Léa, née en 2010 aurait pu entendre ce genre d’histoire de la part de sa trisaïeule de Quehello (morte en 2014) et pourrait la retransmettre en 21... ???
AM
# Le 11 juillet 2017 à 22:32
.. "émouvant" j’aime bien ce mot.
Cela correspond bien à la texture de la bouze .. ;-)
Quant à mettre les mains dans la merde l’évidence est lointaine si on idéalise ..
Fou
# Le 12 juillet 2017 à 12:52, par Jean -claude
Puisqu’on aborde la "coprophilie",une petite histoire "philosophique".
Un petit oiseau grelotte sous la pluie glacée, il est sur le point de mourir de roid ;
Personne ne semble pouvoir le sauver quand passe une vache qui lâche sa bouse sur lui et la chaleur de la bouse fraiche le ressuscite.
Là dessus le soleil se lève .L’oiseau commence à s’agiter pour s’évader de ce qui est devenu une prison de bouse.
Attiré par ses mouvements, un chat noir fouille le tas de bouse, trouve le petit oiseau et le mange.
De ces trois faits tour à tour heureux, dramatiques ,tragiques on pourrait tirer trois moralités.
La première:celui qui vous met dans la merde n’est pas forcement votre ennemi.
la deuxième:celui qui vous sort de la merde n’est pas forcément votre ami.
La troisième:quand on est dans la merde , il vaut mieux ne pas bouger si on veut sauver ses plumes.
( "les quatre fugues" de Manuel -Jésus Diaz)
# Le 12 juillet 2017 à 20:39
Dans la ligne de mire, des contemporains pestant sur la crotte de cheval ou autre
tout en affichant une "groisillonité" pure et dure ...
FOU