Généralement, on évite. On part en attelage avant ou après l’ouverture. Mais là, pas de chance, c’était pendant !

Nous avions bien fait les choses : chacune d’entre nous (nous étions 3 filles) avait revêtu ses habits les plus colorés. Le jaune, le vert pomme et l’orange tenaient la vedette. Et par-dessus tout cela, nous avions "scratché" le gilet fluo qui donne tout de suite la petite note "tendance". Et puis nous sommes parties. Plus nous nous éloignions du village et plus ça pétaradait. Et curieusement : plus ça pétaradait, plus nous trouvions nos habits colorés dérisoires. Et si on chantait ? D’accord mais quoi ? L’idée lumineuse nous est venue d’entonner le "Me zo ganet" ( et ne me demandez pas pourquoi, je n’en sais fichtre rien !).

En fait, nous ne chantons pas, nous braillons le plus fort possible. Nous avons abandonné la version très mélodieuse de Jef Le Penven pour la remplacer par un air de kas ha barh beaucoup plus cadencé (mais toujours avec les paroles du "Me zo ganet") parce qu’il ne manquerait plus que les ânes s’endorment !

Les coups de fusils s’espacent puis s’arrêtent. A l’entrée d’un champ, les chasseurs ont cassé leurs fusils et nous regardent passer en applaudissant. Bon sang, quelle chance ! Nous sommes tombées sur des chasseurs mélomanes ! Nous passons sous les vivats, très dignes, avec un petit salut de la main à la façon de la reine d’Angleterre dans son carrosse doré tiré par quatre chevaux. Oui, je sais, c’est un peu exagéré quand on n’a qu’une charrette en tube tirée par un âne. Mais bon : de la dignité, encore de la dignité, toujours de la dignité ! ça ne peut pas nuire !..................................Elizabeth Mahé