L’historien Gilles Candar “Pourquoi la gauche ?”

.../...Quand Léon Blum réfléchissait à la dialectique entre conquête et exercice du pouvoir, il pointait un problème toujours d’actualité.
Il est fascinant de voir à quel point on pouvait, jadis, entrer dans le détail des problèmes politiques et les exposer aux militants. De nos jours, on ne cesse de dire aux enseignants qu’il faut tout simplifier, et aux militants qu’un slogan est préférable à une argumentation. Comment se fait-il alors que dans une France beaucoup moins instruite que la nôtre, où beaucoup de gens n’étaient pas allés jusqu’au certificat d’études, on exposait les grandes problématiques portant sur le rapport au pouvoir, sur les limites qu’on devait se fixer, ou que l’on s’autorisait à dépasser pour accéder au pouvoir ou empêcher les fascistes de s’en emparer ? On pourrait poser ces mêmes questions aujourd’hui sur les objectifs réalisables.

De nos jours, y compris par la culture, la gauche serait bien inspirée de réinvestir d’authentiques discussions politiques sans redouter de lasser les gens supposés désintéressés, voire inaptes à comprendre la complexité. Jaurès faisait vivre les questions politiques, et même philosophiques, en s’adressant à tous sans démagogie ni volonté de rabaisser les problèmes, instituant le débat démocratique moderne qui doit être celui de la République. Beaucoup de candidats actuels, plutôt que de picorer ici ou là une de ses phrases, devraient suivre ses raisonnements et sa pratique. Se contenter de citer Jaurès, cela fait bien, et donne à croire qu’on a pensé…/...

Gilles Heuré Télérama 10/04/22