"Anita, de Groix"

"Dans les temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire"

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Acte manqué ? bis

8 commentaires

Il était une fois un mandarin qui gouvernait une petite planète.

Lorsqu’il accéda au trône, la planète était dans un bien triste état. Plus de thoniers dans ses eaux, presque plus de terres cultivées. Sillons et nants abandonnés, et bien que martialement remembrés, s’étaient livrés sans retenue à la lande et à la friche. L’activité agricole s’était repliée sur le plateau central : à peine 350 ha, sur les 1 400 amoureusement autrefois jardinés. Heureusement à dire vrai, car les engrais, les pesticides, les boues des stations d’épuration, et les apports incontrôlés de chaux, les avaient complètement lessivés. Des lapins et des rats à foison, mais plus le moindre ver de terre.

90% des terres ainsi cultivées, étaient exploitées par deux céréaliers, tous deux âgés de plus de 65 ans, dont la succession n’était pas assurée. (NdT. : Toute ressemblance avec ce qui se passe aujourd’hui dans le domaine médical est purement fortuite)

Notre mandarin réunit donc au plus vite un conseil de guerre. Il faut – disait-il - favoriser la reprise agricole.

Ecologiste convaincu, mais pas paysan pour deux sous, il prit conseil auprès du grand vizir de la Technopôle d’Orient. Tous deux s’entendirent pour transformer la planète en un vaste jardin d’agrément, un "poumon vert" pour les citadins, une réserve de richesses naturelles, "facteur d’attractivité touristique".

Séance tenante, les parcelles anciennement travaillées perdirent leur statut de terres agricoles. On les classa en espaces "naturels" protégés. Et pour les préserver plus sûrement de l’activité agricole, on fit appel à l’espace sidéral européen, qui laissa choir sur ces terres le programme Natura 2000.

820 ha, près de 60% du terroir, et plus du double de la surface dédiée à l’agriculture, étaient ainsi livrés à dame Nature. La lande, les fougères, les ajoncs, les prunelliers, et … les griffes de sorcière (1), s’y plaisaient.

Ce qui, bien sûr, n’était pas du goût des autorités. La lande ne peut plus être ce qu’elle était, elle doit être estampillée, domptée, nettoyée.

A tout problème, il y a une solution.

Avec la participation de notre mandarin, le programme Leader de la Technopôle d’Orient se détourna de la reprise agricole, de ses difficultés et de ses enjeux. Il ne se soucia que de "conforter le rôle de l’agriculture dans la valorisation des paysages et la préservation du patrimoine naturel".

Le grand vizir, qui avait la main sur les finances européennes, assimila astucieusement espaces agricoles et espaces naturels. Le soutien à l’agriculture fut subordonné à la gestion "agro-environnementale" des espaces protégés, et à la réalisation par les jardiniers bénévoles des "investissements improductifs" nécessaires à cette gestion.

A défaut de mettre du foncier à disposition de l’activité agricole, on allait mettre les agriculteurs au service des espaces "naturels".

Pas question, en retour, d’y exercer leur activité. La mise en culture et l’élevage risqueraient de "dénaturer" ces petits coins de nature, uniquement dédiés aux espèces en voie de disparition. Mais ni les pêcheurs, ni les petits paysans n’en font partie ! Au pays du mandarin, l’oseille des rochers et la bruyère vagabonde ont plus de valeur qu’eux.

(1) - Certains affirment que notre planète tient son nom du breton Enez er Groac’h, "l’île des sorcières". Rien ne venait l’attester ... jusqu’au jour, pourtant, où la "Carpobrotus acinaciformis", plus connue sous le nom de "griffe de sorcière", s’en vint peupler le versant d’un vallon. Vilain nom pour une si jolie fleur ! Après seize siècles d’absence, les sorcières renaissaient et vernissaient leurs griffes au soleil d’été. Le vallon où elles s’étaient installées, en resplendissait. Le petit peuple de la Réserve et sa divinité tutélaire Ladirène, notre mandarin et son grand vizir, s’en émurent aussitôt : halte à la colonisation, les sorcières au bûcher ! On leur arracha les ongles les uns après les autres, on dénuda le vallon, on le soumit à l’érosion, mais la flore autochtone n’avait plus rien à craindre. NdT : toute ressemblance avec le retour aux frontières des abeilles italiennes, n’est pas fortuite. Le mot d’ordre est le même : sus aux invasions barbares !


Vos commentaires

  • Le 17 novembre 2012 à 15:17, par philtwoui

    C’est pas signé ce bel article

  • Le 17 novembre 2012 à 15:27, par Anita

    Il est sgné par des initiales dont le nom correspondant est connu par un des administrateurs.
    AM

  • Le 17 novembre 2012 à 18:23

    "Contrairement à une idée, pourtant répandue en milieu rural, Natura 2000 n’a pas pour objectif de créer des réserves naturelles intégrales ou de geler toutes les activités humaines sur les zones proposées...A quelques exceptions près (forêts naturelles intactes, grottes sous-marines) les sites Natura 2000 sont et seront gérés par des activités productives. Sans céréaliculture, la grande outarde (Otis tarda) déserterait le centre de l’Espagne. Sans prairies humides, pâturées ou fauchées, le râle des genêts (Crex crex) abandonnerait les bords de Loire. Sans pâturage garant de prairies boisées ouvertes, le pique-prune (Osmoderma eremita) disparaÎtrait de la Suède méridionale."

    Comme quoi ...

    Quant au Carpobrotus, il s’agit ici d’une espèce introduite par une personne. Cette espèce est qualifiée d’invasive, c’est à dire qu’elle se développe au détriment des espèces locales déjà présentes sur le site. Elle change les propriétés physico chimiques des sols (diminution du Ph, diminution de la composition en éléments nutritifs-pas bon pour l’agriculture ça !-, réduction du taux de décomposition de la litière...)Après la campagne d’arrachage, on constate que le nombre d’espèces recensées a augmenté. D’une seule espèce (la griffe de sorcière) on est passé à une dizaine : c’est de la diversité de gagné ! Mais sans doute est-ce idiot de penser que l’introduction d’espèce peut être un réel problème. Finalement pourquoi n’introduisons nous pas lions, éléphants, couguar et phacomochère !!! Ils pourraient s’y plaire aussi.

    Fido, du petit peuple.

  • Le 17 novembre 2012 à 19:06

    Ouais Fido et des hypotamtams

  • Le 17 novembre 2012 à 20:15, par Anita

    Je peux valider j’ai reconnu l’IP ...

  • Le 17 novembre 2012 à 22:53, par TV

    "Contrairement à une idée, pourtant répandue en milieu rural, Natura 2000 n’a pas pour objectif de créer des réserves naturelles intégrales ou de geler toutes les activités humaines sur les zones proposées"

    Bien sûr que non, puisqu’il faut en assurer la gestion et l’entretien. Mais qui le fera ? Et comment ?

    Qui va faire pâturer un troupeau dont il faudra mesurer et maÎtriser le piétinement et la quantité de déjections ?

    Avez-vous déjà regardé de près ce qu’impliquent pour les paysans les mesures agro-environnementales ?

    Contrôles, résultats, bénévolat, investissements improductifs … de quoi tuer définitivement la profession (je parle des paysans, pas des industriels ni des conventionnels, qui se foutent comme d’une guigne des espaces naturels et de la Pacha Mama !)

    Croyez vous raisonnable de demander aux petits agriculteurs de Groix, qui n’ont même pas les moyens de disposer d’un bâtiment d’exploitation et de transformation, d’entretenir sans retour plus de 800 ha d’espaces protégés ?

    Peut être pourrait-on commencer par leur donner les moyens de vivre et de faire vivre la terre.

    Ceux qui défendent le programme Natura 2000, tel qu’il est mis en Å“uvre sur l’Île de Groix, sont des apprentis sorciers qui entendent mettre les paysans au service d’une nature et d’une diversité réglementées.

    Le jour où les phacochères seront inscrits sur la liste, nous en aurons dans nos vallons !

    TV

  • Le 17 novembre 2012 à 23:01, par TV

    (suite)

    Quant aux griffes de sorcière, il faut croire que la personne qui les a clandestinement introduites sur Groix, a fait le tour des Iles du Ponant. Il n’en manque ni à Sein ni à Ouessant, en tous cas.

    Sans doute changent-elles les propriétés physico-chimiques des sols, tout comme les fougères d’ailleurs, mais de là à penser qu’on aurait eu l’idée de cultiver le versant du vallon …. des rizières en terrasse, peut-être ?

    TV

  • Le 18 novembre 2012 à 11:12, par Anita

    Ne vous inquiétez pas, TV. On sait qu’à Groix les contrevenants aux réglements ne sont pas inquiétés par les services municipaux, (qui, par ailleurs, savent passer outre un avis donné par un commissaire enquêteur). J’ose reciter l’exemple de l’installation de caravane, cabane de chantier et chenil sur un terrain NDS, qui n’a
    jamais provoqué le moindre lever de sourcil en mairie !!! (on se doute bien que l’opposition est muette sur le sujet...)
    Alors, pour trouver quelqu’un pour aller quantifier les déjections animales, il faudra peut-être attendre quelques suppressions de postes et les déclassements qui vont avec. A moins que l’alternance (et les mises au placard qu’elle va susciter) ne fournisse le contingent de spécialistes mesureurs ? :-)
    AM

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