"Anita, de Groix"

"Dans les temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire"

Jeanjean, p’tit frère

Publié le 5 décembre 2013 à 11:27

Si tu me voyais gréé en costume de mariage !!
Je ne vais pas faire devant toi, un discours, une allocution encore moins un panégyrique. Je n’ai pas suffisamment l’éloquence pour le dire.
D’autres qui te connaissent mieux que moi l’écrivent déjà et le feront dans les jours qui viennent. Il faudra du temps pour lire le grand livre de ta Vie.
Je veux simplement te dire, mais tu le sais déjà, que le quart de siècle de notre amitié aura été façonné par des connivences, un clin d’oeil, un regard noir, un oui bref, un non sec suffisaient à marquer nos accords ou désaccords, des bordées de fou rire, des discussions, et en ces derniers temps des leçons de vie.
J’ ai réécouté ton reportage sur les événements de la grotte d’ Ouvéa et tu sais ce que représente aussi pour moi notre virée en pays Kanak, c’est grâce à toi que j’ai découvert cette civilisation opprimée.
Oui, à la suite de la venue à Groix des Iles océaniennes, invitées lors du 1er Festival International du Film Insulaire de 2001, qui m’avait fait aussi rencontrer Lucien Kimitete que tu avais connu aux Marquises, malheureusement disparu tragiquement le 23 mai 2002. Tu avais participé aux recherches de ce grand personnage, ton ami.
Nous avions été invités tous les deux en 2003 par la Province des Iles en Nouvelle Calédonie, ces îles regroupant Lifou, la plus grande dont dépend Tiga ( superficie de Groix ) d’où est originaire Wallès Kotra, il a fait partie du Jury en 2002 et qui te salue Jean Luc, Ouvea dont tu as suivi les tristes événements de mai 1988 et Maré.
Nous avions embarqué et intégré avec un équipage de 60 personnes de l’Université de la Communication. Imagines toi et moi avec notre vareuse et notre sac, ils nous ont aussitôt appelés les marins bretons. Eux gréés comme il faut avec leurs valises.
A Nouméa, nous suivions différents colloques au Centre Jean Marie Tjibaou, par contre on préférait mieux un petit restau, notamment celui de Henri Hugot, plutôt que d’assister aux réceptions en tout genre qui étaient proposées.
A Lifou l’accueil a été plutôt froid par les autorités Kanak, pour nous qui étions supposés être les représentants de l’oppresseur français. Dur pour nous qui étions des invités.
Ce n’est que lorsque tu as reconnu une personne que tu avais rencontré en 1988 à Ouvéa et que tu lui as dit que nous venions d’une île bretonne que le ton a changé et que nous avons discuté alors sur toute cette histoire abominable.
Lors du bougna qui a suivi, accompagné d’un groupe de musique traditionnelle Kanak, nous nous sommes aperçus que personne n’écoutait, ce qui exacerbait les musiciens.
Quand tous les participants eurent rejoint les cars, nous n’étions plus que trois toi, moi et le vice président de la région Aquitaine qui lui,préférait mieux notre compagnie.
Je te dis « Jean Luc on ne peut pas partir comme des sauvages, nous sommes leurs invités, je vais leur chanter une chanson en breton pour les remercier et leur expliquer ce que notre culture subit aussi »
J’ai donc chanté le pays, le père et la mère, l’enfance, thèmes chers à leur culture.
Chant naïf certes, mais sincère ( Me zo ganet )
Ils ont écouté puis nous ont dit : nous allons chanter pour vous seulement, un chant guerrier et un chant religieux, puis nous nous sommes embrassés.
Les autres n’ont rien compris à notre retard, nous avions fait ce que notre cœur nous disait de faire.
Dans la coutume que nous avons faite chez les personnes où nous logions dans la case traditionnelle c’est toujours le plus ancien des invités qui demande l’hospitalité par un petit laïus, en l’occurrence c’était moi et depuis, tu m’appelais gentiment « le vieux »
Dans ta vie tu as eu plusieurs bateaux, du plus grand que tu as gréé, pour naviguer jusqu’aux Iles Marquises, jusqu’aux zodiac et autres canots. Le dernier est toujours près de ta maison.
Celui dans lequel tu es maintenant a une drôle de coupe, tu aurais bien été capable de lui faire une plus belle étrave ; il t’emportera dans ton ultime navigation vers le Paradis des Marins. Je suis certain que dans les tempêtes futures les vents que nous entendrons seront l’accompagnement musical des rencontres des Ames de tous les marins du monde.
Des copains et des amis ne pourront être ici aujourd’hui, ils te saluent.
Tu sais qu’on dit à Groix « aller dans le suet » pour mourir, en breton « Moned d’er Gevred » mais « Moned a Gevred »ça veut dire aussi « aller ensemble »
Alors, allons ensemble avec toi, t’accompagner.

Largue devant, largue derrière, mon frère.

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