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ATTAC-FRANCE : Après l’ Erika, le Prestige.

jeudi 28 novembre 2002

La complaisance maritime, chantier pilote de la mondialisation libérale.

Prestige, un drame de plus, pour nos voisins de Galice cette fois,
pour nous et les Portugais bientôt sans doute. Il est encore trop tôt
pour évaluer les responsabilités précises du désastre, mais ses
causes générales, elles, sont parfaitement connues.

En cette année bicentenaire de Victor Hugo, comment ne pas penser
d’abord aux Travailleurs de la mer : ceux des activités littorales,
des bateaux de pêche, des navires marchands enfin, avec leurs marins
du monde et surtout du tiers-monde, travaillant dans les conditions
extrêmes de la complaisance maritime. Comment la sécurité des mers
serait-elle assurée si celle des marins ne l’est pas ?

Au récent sommet de Malaga, Jacques Chirac et José Maria Aznar ont
décidé de faire contrôler les navires-poubelles dans la zone des 200
milles marins le long des côtes franco-espagnoles, et certes il le
faut. Mais ne faudrait-il pas contrôler avant tout les armateurs et
affréteurs des navires ? Et s’il n’y a plus d’armateur visible, comme
pour l’ Érika, ni même d’affréteur fiable, comme cela semble être le
cas pour le Prestige, n’est-ce pas là l’indication première que le
navire est dangereux ? Par la recherche frénétique du profit maximum
et de la responsabilité la plus insignifiante, par l’ organisation
d’espaces sans lois pour y mener leurs affaires, les multinationales
ont entraîné dans cette dérive les autres acteurs du transport
maritime, créant une situation prétendument ingouvernable, Mais elle
l’est seulement parce que l’on ne veut pas la gouverner. Car la
question est avant tout politique.

En cette veille de troisième anniversaire du naufrage de l’Érika, on
peut maintenant mesurer la valeur des déclarations officielles qui
l’avaient immédiatement suivi. Haro sur les pavillons de complaisance
et les " bateaux poubelles " : on se souvient des antiennes et
anathèmes que l’on nous ressert aujourd’hui. Mais qu’est-il advenu
des directives européennes qui avaient alors été décidées en matière
de contrôle dans les ports, de création d’une Agence européenne de
la sécurité maritime en 2003 et d’interdiction graduelle, avec 2015
comme date limite, des pétroliers à simple coque ? On vient d’en
voir les résultats.

Bien des spécialistes maritimes l’ont dit et redit, les navires à
double coque, sur lesquels sont fondés tant de raisonnements, ne
sont pas plus sûrs que les autres, sauf s’ils sont rigoureusement
entretenus. A défaut, ils peuvent être encore plus dangereux. Les
causes majeures d’accident résident donc dans les conditions de
maintenance et d’exploitation. Et le premier facteur à prendre en
compte est le facteur humain.

Au cours de trois dernières années, parmi les mesures réclamées par
les mouvements citoyens, dont Attac, toutes celles qui concernaient
la responsabilité des armateurs et affréteurs réels, ainsi que le
contrôle des conditions de vie et de travail des marins ont été
évacuées du débat aussi bien au niveau national, qu’européen et
mondial.

Aussi longtemps que des équipages fournis par des marchands d’hommes
seront exploités au mépris des droits humains, sociaux et syndicaux
les plus fondamentaux ; aussi longtemps que les grosses ficelles
de la complaisance maritime et des paradis fiscaux continueront à
masquer l’identité des décideurs et profiteurs réels de malversations
en tous genres, on pourra ressortir les seaux et les pelles, les
banderoles " plus jamais ça " du désastre précédent, puis les remiser
en attendant le prochain.

Le domaine maritime est depuis longtemps un chantier pilote de la
mondialisation libérale. Il montre à l’évidence comment la
dérégulation forcenée conduit inéluctablement à une véritable
criminalité transnationale. C’est à ce niveau qu’Attac exige que
soient enfin posés les vrais problèmes, et cherchées les solutions.

Attac, Paris, 28 novembre 2002