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Ce soir à l’Ecume des Jours

vendredi 11 août 2006, par Admin

CHRONIQUE D’UN SIEGE
de Samir ABDALLAH

Le 31 mars 2002, le cinéaste Samir Addallah a rejoint le QG de Yasser Arafat assiégé par l’armée israélienne. Il est entré à la Moqata’a avec une mission civile pour la protection du peuple palestinien et pensait, comme la plupart de ses compagnons, n’y faire qu’un court séjour de quelques heures.
Mais il y est resté plus d’un mois, jusqu’à la levée du siège, partageant avec la garde rapprochée du président de l’Autorité Nationale Palestinienne, 200 de ses fidèles et les membres de la mission civile, des conditions de vie précaires, le manque de nourriture, d’électricité, la tension des explosions, des intimidations d’un face à face militaire et psychologique inégal.

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Une petite troupe d’hommes et de femmes progresse au milieu des rues dévastées de Ramallah, avançant entre les tourelles des chars, serrés les uns contre les autres, drapeaux blancs brandis, pas plus rassurés que cela. Ainsi commence le film réalisé par Samir Abdallah.

Ces hommes et ces femmes qui bravent le couvre-feu imposé par l’armée israélienne viennent de tous les coins du monde. Les Palestiniens les appellent " les internationaux ", le journal israélien Maariv les a baptisés les " terro-touristes ". Ils participent à ces " missions civiles de protection du peuple palestinien " qui se sont succédé dans les territoires assiégés, puis réoccupés par Israël, depuis le printemps 2001 pour manifester leur solidarité à un peuple que la communauté internationale refuse de protéger, malgré les multiples demandes introduites pas l’Autorité palestinienne auprès de l’ONU et de l’Union européenne.

Cette fois-ci, l’heure est grave. Après un attentat suicide particulièrement meurtrier, Israël vient de lancer l’opération " Rempart " contre toutes les villes autonomes de Cisjordanie, y compris Ramallah, où Yasser Arafat est assigné à résidence depuis décembre 2001. Les chars ont pénétré à l’intérieur même du siège de l’Autorité palestinienne. La vie du président est menacée. Les " internationaux " décident alors de forcer le blocus et de rester avec les assiégés de la Mouqata pour servir de " boucliers humains " et empêcher l’irréparable. Quarante d’entre eux y resteront trois semaines, jusqu’à ce que l’armée israélienne finisse par se retirer après une intervention directe de Colin Powell qui obtient que les Palestiniens livrent les quatre assassins du ministre israélien du Tourisme, enfermés dans une prison attenante à la Mouqata. Ce sont ces jours de siège effrayants, ces heures interminables pendant lesquelles les chars et les bulldozers s’acharnent sur les voitures garées dans la cour, les écrabouillant une à une, détruisant des murs, bombardant, saccageant tout, que Samir Abdallah a filmés. Avec les réactions des résistants palestiniens, impuissants face à tant d’injustice et de haine. Celles des " boucliers " qui partagent avec eux les rations de plus en plus maigres, mais aussi les émotions, les réflexions amères sur l’indifférence du monde. Et Yasser Arafat, à la fois héroïque et pitoyable au milieu des siens. Des images fortes et souvent révoltantes de ce moment d’histoire qui font de ce film un témoignage hors du commun.

Françoise Germain-Robin L’Humanité