Une histoire de Kari Gosse
Il ne faut pas confondre kari et canari, pas plus que tamoul et marinière

Ceci posé, "kari" est à l’origine un mot tamoul, que les anglais ont transcrit en "curry", car bien entendu, ils ne savaient pas sanscrire… Kari désignait une façon de cuire les aliments, de les mijoter, puis la sémantique a glissé pour désigner désormais un mélange d’épices ou un plat assaisonné de ces épices.
L’allusion à ce mode de cuisson est encore perceptible dans certaines civilisations, ainsi les trappeurs canadiens accommodaient ainsi l’orignal, et de la même façon retentissante qu’ils avaient de hurler "Justin Timber" quand ils abattaient un arbre, ils braillaient "kari bout" quand le ragout d’orignal venait au feu, ce qui était mauvais signe.
Pareillement en Afrique d’ailleurs, où le dicton "karibou bouillou, karibou foutou" est encore chuchuré par certaines grand-mères édentées.
Les grecs connurent très tôt le kari également, c’était même l’un des plats favoris des lacons, qui se le faisaient servir par des jeunes filles spécialement entrainées à porter des plateaux de victuailles sur la tête sans laisser trainer les cheveux dedans, les cariatides. A ce régime les lacons engraissaient, ce qui était mal vu en Grèce, aussi devaient-ils abandonner les plats en sauce et passer au régime "salade romaine et noyaux d’olives", ce qui les faisait grimacer. A ce point que l’expression "passer de kari en salade" s’était répandue jusque dans la septentrionale région de Karyes, où pourtant on n’avait rien à craindre de tels écueils.
De Grèce, le kari s’est répandu dans tout le monde occidental, en Italie bien entendu, où le Kari Baldi ne cache pas ses origines indiennes, et bien plus loin, on a vu le cas du Canada. On peut tout aussi bien entendu citer le Brésil avec le fameux kari au coca, dont on a fait un film et une danse. Dans les îles caraïbes (Kari-Beans Islands au départ, qui ne l’oublions pas était une recette de haricots, découverts en même temps que l’Amérique) également, où il est devenu colombo à cause des portugais de Ceylan
Aux Etats Unis par contre, on eut la Guerre du Kari, provoquée à l’origine par un kari liquide, une boisson alcoolisée de couleur jaune simplement nommée Kari. Elle était aromatisée aux épices et aux herbes, comme il se doit dans ce genre de recette. Elle eut un succès fulgurant dans tous les Etats, à ce point que les hommes du pays ne décollaient plus des saloons et autres lieux fréquentés par le dévoyé cod-boy Kary Cooper.
Tout ceci conduira un peu plus tard à la Prohibition d’état, Al Capone et Les Inkariptibles. C’est pour tromper les limiers d’Eliot Ness, qu’on modifia le nom de ce kari, pour le transformer en rikar. On a connu un phénomène analogue en Turquie, sous la pression religieuse interdisant l’alcool, où on dut transformer le kari en raki pour prendre l’apéro sans se faire charier
Les français, toujours prompts à copier les moeurs alimentaires américaines, imitèrent ce breuvage, se contentant de franciser le nom en Ricard, un peu comme nous avons le Breizh-Cola ou que les parisiens ont l’eau courante. Ce n’est pas pour autant qu’on en a fini avec la pudibonderie et les interdits incompréhensibles...
Kari de Bretagne .../... à suivre
P. Cocour (Cuisine de la mer)