Ken Loach – Cantona, la belle équipe
Le 3/11 au Cinéma des Familles
Looking for Eric

Cinéf’îles propose une comédie ?
oui, oui, mais comme on les aime !
Il faut aimer Ken Loach. Tous ses films, même les ratés. Et ce dernier encore plus que les autres puisqu’il est très réussi. D’abord pour des raisons cinématographiques. Filmage nerveux, narration au cordeau, acteurs de très haute volée (primes à Steve Evets et Stephanie Bishop dans deux des rôles principaux). Mais toutes ces excellences ne tiendraient pas si le film n’était pas foncièrement politique, c’est-à-dire à gauche toute ! Ce n’est pas vraiment une révélation puisque depuis l’insurpassable Kes (1969), Loach de ce point de vue n’a jamais déçu. Ne pas avoir peur des grands mots qui, hélas, sont devenus des gros mots : du ciné engagé, utile pour nous encourager à résister à toutes les prétendues fatalités (la loi du profit, la religion du travail et autres saloperies qui infestent la joie de vivre). http://www.liberation.fr/cinema/

C’est au footballeur Eric Cantona que revient l’initiative du film. Touché par l’histoire d’un facteur de Leeds dont il était l’idole et qui, pour venir l’applaudir sur le stade de Manchester United, avait perdu sa femme et son boulot, Cantona décide de lui rendre hommage dans un film où il raconterait ses relations avec ses fans. Il fallait un réalisateur anglais et féru de football. Ken Loach accepta.
Eric Cantona a mis autant de fierté que d’autodérision dans cette comédie, où il incarne le gourou d’un supporter en déroute
Quand il n’est pas acteur, Eric Cantona peint, fait des photos ou écrit des textes de chansons. L’argent lui permet “d’observer le monde, de ne pas aller au bureau ou à l’usine, surtout pas de m’acheter une maison de trois cents pièces où je n’irais jamais.” Il ajoute : “Ma vie, c’est la prise de risques sinon je m’ennuie.”
A ce stade de la discussion, on en vient à se demander (Looking for Eric ?) ce qui fait que Cantona est Cantona. Un type sacré “meilleur joueur du siècle à Manchester” qui allait rendre visite à Joe Strummer des Clash entre deux entraînements. Un homme tout sauf bavard et qui peut tomber à genoux devant une photo ou un tableau. “Mon père était infirmier psychiatrique. Un jour, avec mes frères, il nous a fait rentrer à l’hôpital pour nous faire peur, nous alerter sur les ravages de la drogue ou de l’alcool. Bien sûr, on a eu la trouille. Je devais avoir dix ans mais j’ai compris que la frontière avec la folie est tellement ténue que tu peux très bien t’imaginer basculer très vite. Ça tient à rien, à un fil de pêche, à un cheveu. Quand je rentrais de l’école, je filais dans l’atelier de mon père. Je l’ai vu peindre bien sûr mais je me souviens surtout de sa capacité à s’émerveiller. C’est un vrai cadeau pour un gosse.” Il tourne la tête et jette un œil en direction de la rue. “Tous ces gens dans la rue, ils courent après quoi ?”
Olivier Wicker http://next.liberation.fr/ 12 MAI 2009