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Premier roman d’Eric Pelsy

dimanche 16 novembre 2003, par Admin

Vient de sortir le premier roman d’Eric Pelsy, groisillon d’adoption,
qui anima chaleureusement un atelier d’écriture lors de la première
édition du FIFIG.

Le premier roman d’Eric Pelsy, âgé de 49 ans et vivant en Bretagne, est
une plongée sidérante dans l’univers du mal, vu à travers les yeux d’un
gamin de six ans, qui commet en 1960 dans un petit village des Vosges du
Nord l’irréparable en tuant par accident une petite fille Nicole, copine de
sa sour Princesse venue passer le dimanche, jour de répit pour toutes ces
familles laborieuses qui savourent quelques instants tranquilles autour d’un
bon repas. Dimanche du basculement pour Rico qui sort subitement de l’état
protégé et bienveillant de l’enfance et devient celui par qui le malheur est
entré dans la famille. Une famille respectable, ou en tout cas qui veut s’en
donner les moyens. A sa tête, le père Ferdinand fils adoptif d’un couple mal
assorti : l’Emile trouillard et résigné devant la Vieille ambitieuse et
manipulatrice ; Ferdinand devenu médecin dévoué soucieux de respectabilité
et de réussite. A ses côtés, la mère Viviane qui s’occupe de manière
automatique, brusque, sans douceur, presque désincarnée de la fermette et
des cinq hectares qui l’entourent. Et puis, il y a le petit frère qui
babille dans son berceau, et celui qui est mort avant Rico, que celui-ci
porte en lui comme un fantôme.

C’est donc l’histoire d’un gamin trop vite grandi, soudain rejeté par
un geste malheureux, accidentel, à cause d’un fusil laissé chargé par un
copain - chasseur vantard et infructueux des canards du coin - de son père
surmené et seul attentif à sa propre carrière. Un gamin qui va devenir dès
lors comme un animal qui se terre sous la terrasse, espionne faits et gestes
de son entourage, se construit ses propres remparts et se méfie de tout
parce qu’il connaît à présent de façon instinctive son état de banni, de
montré du doigt. Entre un père qui veut oublier et va jusqu’à lui
administrer des potions miracle et une mère qui s’en remet à Dieu dont elle
espère un jugement dernier, Rico doit survivre et se trouver une nouvelle
place dans cette famille déjà lointaine, jamais intéressée par ce que lui
peut éprouver, si ce n’est sa sour Princesse à la fois compréhensive et dure
qui, en quelques paragraphes magnifiques, le sauvera d’une noyade peut-être
rédemptrice.

En un peu plus de 150 pages denses et bouleversantes, à l’écriture
pointue et détaillée, faite de phrases brèves et narratives, coupantes comme
des lames de rasoir, Eric Pelsy livre un roman absolument terrible. Quarante
ans en arrière, dans une contrée un peu reculée, où la sorcellerie a encore
sa raison d’être et où le médecin utilise son statut de notable pour aider à
l’oubli, nous sommes plongés au cour de cette famille brisée par le geste de
Rico. On ne ressort pas de ce livre comme on y était entré et le destin âpre
et irréversible de Rico nous poursuit longtemps. Avec la nature et tous ses
éléments en toile de fond, il y a aussi ici une belle parabole sur la place
de chacun et comment l’on doit se coltiner avec ces notions universelles et
éternelles que sont le bien et le mal.

Eric Pelsy - L’été de Rico
Arléa/coll. premier mille - 2003

extrait de "Benzine" :
BENZINE
magazine d’essence culturelle
 benzine.free.fr/roman