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"Dans les temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire"

Téléthon : les dons d’aujourd’hui ...

Publié le 6 décembre 2010 à 16:50

font les profits de demain !

Cette année encore et ce malgré la crise, le Théléthon s’est révélé une manne providentielle pour la recherche. Au total, 1,6 milliards d’euros ont été collectés depuis sa création en 1987. Si l’économiste Christian Jacquiau reconnait certains bienfaits à l’opération, il montre que l’on a réussi, dans la recherche, à appliquer le principe de la privatisation de l’argent public.

C’est reparti. Animateurs-vedettes de garde, mannequins anorexiques peroxydés, stars plus ou moins académiques et autres enfoirés de service (ce sont parfois les mêmes...) se relayent sans relâche pour solliciter la générosité télé-thonique.
Le Téléthon ? Une idée importée en 1986 des Etats-Unis, un pays dit « moderne » où l’État est tellement plus soucieux de la santé de ses établissements financiers que de celle de ses concitoyens que la recherche médicale est contrainte de tendre la sébile à la télévision.

En France aussi, démonstrations sportives, radio-crochets champêtres, mitonnage de cassoulets géants, paris rivalisant de stupidité, paillettes, flonflons et majorettes... Tout est bon pour faire rentrer des millions !
Et c’est tant mieux. Car derrière cette grand-messe médiatique, il y a des familles qui souffrent. Et des enfants aux yeux embués d’espoir qui savent qu’ils ne peuvent compter sur rien d’autre que la sensibilité, l’émotion et la compassion des téléspectateurs pour espérer que la Science répare cette injustice dont la nature les a frappés.

Magnifique exhibition de générosité qui force l’admiration chaque année, tant les sommes récoltées sont astronomiques, alors que des pans entiers de la recherche sont par ailleurs complètement sinistrés. C’est que depuis sa création (1987), le Téléthon français a rapporté plus de 1,6 milliards d’euros !
Une manne exceptionnelle sur laquelle plus de 119 millions d’euros ont été consacrés à ses frais de gestion et près de 175 millions... aux seuls frais de collecte des dons. Respectivement 7,3 % et 10,7% des dons recueillis, selon les chiffres communiqués par l’Association française contre les myopathies (AFM). Des chiffres qui donnent le vertige...

Mais qui ne doivent pas faire oublier l’envers du décor de cette joyeuse et gigantesque kermesse surmédiatisée. Car derrière cette très belle démonstration de la puissance télévisuelle se cache une bien curieuse réalité. Beaucoup moins glorieuse celle là...
Le désengagement de l’État de ses fonctions essentielles : la santé, la recherche et l’éducation, notamment. Avec en toile de fond une formidable illustration du fameux théorème libéral : mutualisation des dépenses/privatisation des profits.

Étrange modèle que celui qui consiste à faire appel à la générosité publique pour financer les travaux de chercheurs privés - au seul bénéfice d’une cause, certes noble mais strictement ciblée. Chercheurs qui s’empresseront, dès que leurs travaux auront abouti, de déposer des brevets qui assureront non seulement leurs fortunes personnelles mais qui permettront aussi à des laboratoires - privés eux aussi - de s’enrichir sur la commercialisation de nouveaux médicaments qu’ils vendront alors au prix fort à ce qu’il restera d’une Sécurité Sociale exsangue, n’assumant déjà plus son rôle de protection mutualisée des plus faibles.

Car enfin... Si l’État - et ceux qui se déchirent pour alterner à le représenter - prenaient et assumaient véritablement leurs responsabilités, ne veilleraient-ils pas à assurer un financement approprié de la recherche publique ? Cela aurait pour effet immédiat de réduire les coûts de santé, la sécurité sociale n’ayant plus à assurer le service de substantiels bénéfices aux laboratoires privés, comme elle est contrainte de le faire aujourd’hui.

Mieux encore, le véritable retour sur investissements réalisé grâce à la mise en marché de médicaments nouveaux, performants et efficaces, permettrait à l’État de conforter et de développer les moyens de recherche qu’il pourrait alors mettre au service de l’éradication d’autres maladies. Mais de cela il n’est point question. C’est même tout le contraire qui est mis en œuvre. Ce modèle d’appropriation de l’argent public par le privé - prélevé autoritairement où grâce aux moyens sophistiqués de la séduction médiatique - n’est pas nouveau. Et pas davantage limité à la santé.

Il y a longtemps déjà qu’en application du fameux AGCS, il a été appliqué pour la première fois aux concessions d’autoroutes, de parkings publics et de bien d’autres...
Ici comme ailleurs, les usagers ont été, dans un premier temps, soumis à de substantiels droits de péage destinés à financer les travaux initiaux de réalisation. Avant que ces ouvrages n’entrent discrètement dans le patrimoine de sociétés concessionnaires privées qui n’avaient plus alors qu’à engranger les substantiels bénéfices tirés d’un patrimoine... appartenant en réalité aux usagers et à la collectivité des citoyens, mais détourné par les politiques au profit de structures privées, habilement constituées à cet effet.

Comble d’ironie, et l’altruisme médiatisé ayant ses limites, les généreux donateurs du Téléthon bénéficient d’une réduction d’impôts de 66 % du montant des dons qu’ils promettent à l’AFM.
« Après réduction d’impôts, votre don de 100 € ne vous revient qu’à 34 € », explique l’AFM sur son site. Mais ce qu’économise le donateur, c’est l’État qui le paiera.
Ainsi pour la seule année 2009, c’est un peu plus de 62 millions d’euros qui sont passés - ni vus, ni connus - du budget de l’État (via les déductions fiscales accordées aux donateurs) à la recherche privée... via le Téléthon. Sans engagement et sans contrepartie.
Emblématique, non seulement d’une certaine idée de la recherche publique mais bien au-delà, du rôle de l’État dans la société, le Téléthon serait-il devenu un moyen efficace de nous faire admettre - en chansons, avec flonflons et serpentins - le détricotage méticuleux et systématique des acquis sociaux issus du Conseil national de la Résistance que les politiques ont de plus en plus de mal à nous faire accepter ?

Christian Jacquiau - économiste Marianne 6/12/10

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