"Anita, de Groix"

"Dans les temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire"

L’Écume offre les mots à boire

Publié le 20 août 2017 à 16:00
Photo Le Télégramme

M.N. Bertrand L’humanité.fr 14/08/17

Qui sait, quand il entre dans la librairie, ce qu’il vient précisément y faire ? Lire, écrire, avaler un café ? L’Écume propose tout cela à la fois....

Certains noms naviguent en Bretagne sud à la manière des vieux gréements : avec une élégance chargée d’histoire. Ceux qui s’envolent de l’île de Groix se font, une fois sur le continent, une réputation bien trempée. Depuis plus de quarante ans, les marins de tout poil transportent de port en port celle de Ti Beudeff, rade breton à l’allure un peu punk que hantent les loups de mer à l’heure d’écluser une bière. La renommée de l’Écume, librairie café aux visées éclectiques, a quant à elle recommencé à mousser voilà bientôt cinq ans. Qui sait, quand il y entre, ce qu’il vient précisément y faire ? La vitrine, en regard de l’église, ne présente pas tout à fait comme ailleurs. Bien sûr on y voit alignés des livres ou des bandes dessinées aux reflets de l’actualité culturelle ­ cette semaine, le promeneur la trouvera aux couleurs du Festival international du film insulaire, dont le lieu est partenaire. Mais une banquette rouge s’y adosse, posée sur une terrasse en bois, avec devant elle quelques tables de bistrot. L’intérieur est à l’avenant.

« Oh ! Vous avez cet auteur, on ne l’avait jamais trouvé ailleurs ! »Ici, pas de caisse électronique rangée en coin de boutique mais un comptoir, derrière lequel trône un percolateur. En avant de la pièce sont disséminées d’autres tables. À mi-chemin, et jusqu’au fond de la salle, les bouquins tapissent les murs de bas en haut, encadrant un espace que l’on imagine propice à la lecture enfantine. Venez y chercher un livre et vous avez une chance de vous retrouver à papoter devant un thé parfumé ou un sirop de violette. Entrez boire un café ­ il se dit qu’on y sert le meilleur de l’île ­, et il n’est pas exclu que vous restiez pris au jeu d’un atelier d’écriture ou d’une séance de signatures. « Je voulais un lieu ouvert à ceux qui n’ont pas l’habitude de courir les librairies, explique Anne Le Bihan, maître d’oeuvre de l’espace. Un endroit calme, qui ne soit pas pour autant un monastère. »
C’est elle qui a sauvé des eaux l’Écume, pour en faire cette zone de culture partagée et de rencontres insolites. Avant cela, l’échoppe avait bien failli sombrer. « La librairie existait depuis dix ans. Un weekend où je passais sur l’île, je l’ai trouvée fermée », raconte-t-elle. Anne était encore Rennaise mais déjà Groisillonne de coeur et d’attache depuis moult années. Elle avait vu la première propriétaire de l’Écume mettre en route le projet ­ à l’époque, lieu de lecture et atelier de point de croix. Elle avait vu son successeur y faire bourgeonner sa passion pour la littérature arabe et la poésie. Celui-ci en retraite, le lieu s’est endormi et l’est resté un an et demi. Jusqu’à ce fameux week-end, donc, où Anne Le Bihan l’a trouvé volets clos et a décidé d’embrasser la carrière de libraire. Un an et demi lui sera nécessaire pour mettre le projet en chantier, boucler sa formation et faire le tour des banques. Les débuts n’iront pas comme sur un fleuve tranquille. « Les trois premières années, je ne me suis pas payée. » Mais l’aventure prend son rythme de croisière. L’an dernier, Anne a pu embaucher une collaboratrice, désormais en contrat à durée indéterminée.

Ensemble, elles veillent sur l’actualité littéraire et ont développé des collaborations avec plusieurs maisons d’édition. Littératures française et étrangère, albums jeunesse, polars ou essais : leur catalogue est large. « Au milieu de tout cela, nous opérons nos choix », reprend Anne Le Bihan, heureuse d’en récolter des louanges. « Parfois, on nous dit : "Oh ! Vous avez cet auteur, on ne l’avait jamais trouvé ailleurs !" » L’Écume a aussi enfourché les dynamiques existantes. Celle du réseau des cafés littéraires de Bretagne, dont elle est adhérente. Et celle préexistante sur l’île, impulsée, entre autres, par le Cinéma des familles et son association de cinéphiles. Groisillons permanents ou de passage ont peu à peu pris l’habitude de s’y fixer rendez-vous, parfois autour de gâteaux faits maison qu’ils apportent avec eux. Les auteurs ont aussi pris l’habitude de venir y jeter l’encre. Certains même, s’y amarrent accrochés quelques mois pour nourrir leur plume et en partager la finesse.

LE COUP DE COEUR DU LIBRAIRE :

ARTICLE 353 DU CODE PÉNAL Tanguy Viel Éditions de Minuit,

Comme beaucoup, la libraire Anne Le Bihan aurait voulu citer de nombreux auteurs. C’est sur Article 353 du Code pénal, de Tanguy Viel, récemment venu en visite à l’Écume, qu’elle s’est finalement arrêtée. « C’est l’histoire d’un homme qui a commis une faute parce qu’il n’avait pas le choix, et du juge qui l’écoute, résume-t-elle. Les personnages sont d’une humanité pas croyable, son écriture m’a entraînée, j’en suis restée sous le choc. »

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