"Anita, de Groix"

"Dans les temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire"

L’élection présidentielle vue de l’Île de Groix.

Publié le 25 mars 2012 à 15:41
Photo de Ty Dub’s : http://groix.over-blog.com/

Sur l’île de Groix, des électeurs "dans une bulle"

Le dernier ferry vient de partir. Seul un goéland s’ingénie à troubler le calme du petit port de Groix. Sur l’île, le soleil a posé ses valises et le Groisillon a suspendu son vote. Le cinéma de poche du bourg passe un film une fois tous les quinze jours et le salon de thé n’ouvre que de 10 à 12 heures. La politique peut patienter. Au bout du ponton, le flambant neuf panneau d’affichage pré-électoral attend toujours qu’un candidat se colle à lui. "Ici, il n’y a rien. Pas de tracts, pas d’affiche, pas de local de parti. Que dalle", raconte Stanislas, 31 ans, patron pêcheur. Son bateau de plus de 8 mètres et sa journée de travail sont derrière lui. "On est dans une bulle par rapport au continent, dit-il en pensant au drame toulousain. Les maisons sont ouvertes, les bagnoles aussi. On ne ferme rien."

"Faire du fric et pas le prendre aux gens"
À quelques pas, dans son magasin de pêche, Vincent, 50 ans – "49 pour les filles" – guette le client en écoutant ACDC. Les thoniers, qui faisaient vivre la ville, ont peu à peu été remplacés par les touristes alléchés par la grande plage et par une nature encore préservée. Avec ses quelque 2.000 votants, Groix ne compte "pas assez d’électeurs pour que les candidats défilent", résume Vincent. Cet ancien cadre dans l’informatique trouve que le pays "s’enfonce". "Il faut faire du fric et pas le prendre aux gens. En France, on ne produit plus rien que des retraités", sourit-il. Ira-t-il voter ? "Je vote quand il y a de bons candidats, là il n’y en pas un seul." Plutôt à droite, il nuance : "Remplacer un incompétent par un incompétent, ce n’est pas du bon management. Les gens que l’on forme, c’est idiot de s’en débarrasser."

Sur une petite table de bar, un ballon de rouge et de rosé réclament leurs propriétaires. Noël, 67 ans et Guy, 76, tous deux anciens marins, devisent au grand air. "Je n’ai pas le temps de suivre la campagne, je m’occupe de Guy. Il est né sur le caillou, dans une brouette", précise son ange gardien moustachu. Noël sait déjà pour qui bat son cœur : "Je suis un gars pour ainsi dire de droite. Et quand j’ai pris une option, je n’aime pas en changer." Sarkozyste en 2007, il s’avoue tout de même "un peu attiré par Bayrou". "Bayrou, c’est le centre mais avant, il était de droite", démine Noël qui avec ses baskets blanches à scratches retombe vite sur ses pieds. Guy abonde : "Bayrou, ce n’est pas un exalté. Le peu qu’il dit, j’aime bien. Mais j’attends de voir les autres."

Au pied de l’église, où le thon a remplacé le coq sur le clocher, comme sur le port, les habitants parlent de pêche, du prix élevé de l’essence et des enfants partis pour finir leurs études ou trouver du travail. "Faut se battre pour rester là. Ma vie ne va pas changer avec les élections. Hollande, Sarkozy, c’est la même soupe", affirme Marie-Pierre qui vend poissons et coquillages et ne se verse un salaire que neuf mois sur douze. À ses côtés, Émile, lui, votera à gauche. "Ils sont un peu plus pour les petits, a priori." Il balance encore entre "la gauche un peu sophistiquée" de Hollande, et Mélenchon, qui "est pour le travailleur".

"Cela devient trop scabreux"
Michelle, du faux prénom qu’elle s’est choisi, a tranché. À un Hollande, "trop libéral", cette électrice de gauche qui a multiplié les boulots toujours payés au smic préfère l’"anticapitaliste" Mélenchon. Et Joly, qui a une maison ici ? "Une petite bonne femme mignonne, elle est sympa quand on la croise mais je n’ai rien en commun avec son électorat bobo." Pour le reste, la campagne la "dégoûte". "Cela devient trop scabreux, on instrumentalise des événements dramatiques. Marine Le Pen est déjà en train de courir après la peine de mort, s’offusque-t-elle. J’ai la réputation d’être un peu chiante en période électorale parce que j’ai des idées et je les défends." Longuement. Son compagnon l’a compris. Monté dans sa voiture, il démarre. Michelle reste à quai.

Arthur Nazaret, le JDD 24 mars 2012

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