A Groix, Willem : l’Å“il qui mord
Publié le 16 mars 2015 à 19:55Notre veilleur anti-fascisme.
C’est une maison bleue adossée au centre-ville, à dix minutes à pied de Port-Tudy, sur l’île de Groix. Un ancien troquet breton aménagé en atelier où, depuis cinq ans, s’est installé Bernhard Willem Holtrop, dit Willem. Après quarante années de vie parisienne, le dessinateur hollandais vit désormais au rythme des coups de vent, des embruns et des rotations des ferries qui relient l’île à la côte.
Moustaches et cheveux blancs, accent roulant, l’œil rieur derrière ses lunettes, le maître des lieux tire deux chaises et nous installe comme il peut à un coin de table. Loin du monde, mais pleine de souvenirs, de livres et d’objets, l’antre serait un brin austère, n’était le bar d’origine et les bouteilles de vin qui s’y trouvent. On en ouvrira une pendant l’entretien, histoire de délier les langues, car le dessinateur ne raffole pas de l’exercice, doux euphémisme…
Au premier étage de son atelier, étagères et rayonnages montent jusqu’au plafond, chargés ras la gueule de cahiers d’écolier. Sur chacun, une année, un pays, un thème. Le maître des lieux en saisit un prestement et me le donne à feuilleter.
Difficile d’imaginer que dans cette pièce proprette et illuminée par le soleil couchant s’amasse la mémoire noire de l’humanité. Un pandémonium visuel des convulsions, des souffrances et des drames du monde dont cet homme doux et courtois ne peut arracher son regard. Avec une attention toute particulière pour tout ce qui, de près ou de loin, a trait au fascisme. Dès qu’un bras se tend ou qu’un propos dérape, Willem voit rouge. N’oublions jamais, paru en 1985, reste sans doute l’une des charges visuelles les plus radicales jamais adressées au régime nazi.
S. Jarno Telerama 01/02/14.