Après tant de bulletins vous promettant la future mise en chantier de Biche, nous avons définitivement tourné une page pour entrer dans le vif du sujet. Nous sommes entrés dans la deuxième phase des travaux, qui consiste à restaurer membrures et bordés. L’étrave neuve de Biche pointe fièrement vers le ciel lorientais, et sa voûte est exposée à l’entrée du Carré du Biche, notre local désormais régulièrement ouvert aux visiteurs.

Pour en arriver là, il a fallu démonter tout le pont et ne garder que la coque.
Nous savions que rien des hauts du bateau ne serait réutilisé, mais ce démontage a permis de consigner précisément de quelle manière Biche avait été "assemblé".

Ce que nous ne savions pas, c’est histoire que nous raconterait ce démontage. Au delà de l’image familière du dundée que nous avons tous en tête, toutes voiles dehors et tangons bandés comme des arcs, c’est une tranche d’histoire des années 30 qui se livre à nous. C’est toute la justification d’une démarche patrimoniale dynamique, où le passionné n’est plus spectateur d’objets du passé mais peu se plonger dans l’histoire pour mieux en apprécier les détails qui font sa culture, sans complaisance romantique mais en partageant le sens pratique de ses aïeux.

Ok, qu’apprenons nous donc avec Biche ? Nous découvrons une construction relativement légère, malgré l’épaisseur des bordés d’environ 5cm. S’il est visible que le chantier Chauffeteau a paré à une certaine pénurie de bois en assemblant au mieux celui dont il disposait, il ressort de l’ensemble une volonté de donner des ailes au bateau.

La dépose de la voûte, la partie arrière du bateau qui donne toute sa fluidité à la carène, montre une coupe transversale que les architectes des années 80 ont utilisé pour les meilleurs bateaux de course de l’époque. Briand, Fauroux, Farr, ne pourraient le nier.

Coté structure, c’est un esprit de coopération qui guide l’ensemble. Nulle pièce massive, mais chacune d’entre elle se lie à sa voisine pour former un ensemble cohérent. Ainsi, la structure longitudinale intérieure présente des particularités mécaniques qui prouvent que le bordage est structurel. Le comité scientifique de l’association a choisi, pour la restauration, de respecter les canons de la charpente navale et de la mener dans l’esprit de l’époque. Pour des raisons évidentes de durabilité et de solidité, nous ne reproduirons certains assemblages liées à la pénurie de bois, mais la démarche de restauration choisie permettra de faire ce que les compagnons de Chauffeteau aurait fait s’il l’avaient pu.

L’esprit de Biche, c’est l’agilité et la souplesse. On devine sans hésitation que dans la houle du large, il s’envole sur les vagues au lieu de les affronter, qu’il s’incline en souplesse pour saluer la risée plutôt que d’y tenir tête. Il y a connivence évidente entre le marin et le constructeur, nous voyons là de manière concrète ce que signifie l’aboutissement d’une époque de l’architecture navale, avant l’arrivée des bateaux motorisés.

Mais n’allez pas croire que les amis du Biche passent leur temps en conjectures sur le passé. Le chantier de restauration est aussi l’occasion d’admirer et même de s’étonner du savoir faire du chantier du Guip, qui s’adapte en chaque occasion pour résoudre les difficultés techniques. Une belle leçon de réalisme pour les élèves du lycée professionnel St James d’Etel, qui ont tellement apprécié la visite qu’ils nous proposent une collaboration pour motoriser Biche.
Et oui, Biche, c’est aussi très contemporain. Permettre à des jeunes en formation d’éprouver leurs compétences, c’est dans l’esprit de notre projet.
Nous engageons par ailleurs sur ce sujet de la motorisation un challenge qui prend forme, le choix d’une motorisation propre. Moteurs électriques réversibles, mais quid du générateur ? Là est le challenge, et les amis du Biche sont heureux que l’Université de Bretagne Sud s’engage à ses cotés pour étudier toutes les possibilités.

Certains se demandent comment nous arrivons à "faire tout ça". En donnant du temps, de l’énergie et de l’argent, chacun selon ses possibilités. Mais il faut avouer que nous manquons parfois d’un peu de tout cela et que par exemple, la présence d’un permanent au local soulagerait beaucoup d’entre nous. Ainsi, bien que le projet progresse joliment, nous sommes toujours en recherche active de mécènes, et vous invitons à le faire savoir le plus largement possible. Pas pour nous, ni pour vous, mais parce qu’il n’y a pas d’avenir sans racines.

Les Amis du Biche