"Anita, de Groix"

"Dans les temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire"

« Sperrbrecher » 1944-2015

Publié le 2 juillet 2015 à 21:23

Quand le présent rejoint le passé de Groix

Juillet 2015 : une affiche sur les murs de Groix et sur le blog d’Anita !

« Une course nautique baptisée « Speerbrecker » du nom de NOTRE bouée cardinale Est située à la sortie de Port-Tudy…… »

Ce nom mérite bien une petite explication

La bouée cardinale Est baptisée « Speerbrecker »
et les moulières du Stanvrec.(cl. auteur)

Speerbrecker (ou Sperrbrecher) n’est pas le nom de la bouée mais celui de l’épave qu’elle indique aux navigateurs.
Cette bouée signale un danger pour la navigation.
En réalité, elle ne représente aujourd’hui aucun danger pour les navires. Elle signale simplement aux habitués de la traversée l’arrivée imminente au port… et pour certains, la fin de l’insidieux mal de mer qui les guettait depuis peu.
« ça y est on a passé le « Speerbrecker »
En fait, par 25 mètres de fond ce n’est plus qu’une carcasse rouillée, démantelée, muette, gisant comme beaucoup d’autres dans les coureaux de Groix et visitée depuis longtemps par des palanquées de plongeurs .
Ce bateau, des anciens de Groix l’ont vu disparaitre pendant la guerre et nous allons essayer, dans ces quelques lignes de revivre son histoire et celle du 8 août 1943 jour où il fut coulé.

Une des ancres du Sperrbrecher 134
(J-M Crouzet Subagrec)

L’histoire de ce bateau commence en 1909 sur les bords de la Weser à Brême, port de commerce allemand sur la mer du Nord .
Cette année là, le 31 juillet, la coque n°527 sort du chantier Bremer Vulkan et son armateur J.D. STURKEN lui donne le nom de « Toréador ».
Ce nouveau navire de commerce, long de 72,50 mètres et d’un tonnage de 997 tx file ses 10 nœuds et est vraisemblablement affecté au cabotage le long des côtes de l’Atlantique.
Il va changer plusieurs fois de propriétaires et de nom.
En 1918, il appartient à l’armement Argo REDEREI de Brême et reçoit le nom de « Düsseldorf »
En 1920, on le retrouve sous l’appellation de « Poldorf » .
En 1921 il redevient le « Düsseldorf » et il recevra son dernier nom « civil » « FALKE « en 1923. Sous ce nom il changera encore plusieurs fois d’armateurs jusqu’en 1933. Sous ce nom il est parfois répertorié sur les cartes des épaves.
Au début de la guerre il est réquisitionné par la Kriegsmarine avec son équipage de 15 marins.
Le 1er octobre 1939 il devient le Verposttenboot 104 (patrouilleur auxiliaire) affecté à la première flottille de Kiel . Il est alors modifié pour devenir un SPEERBRECKER c’est à dire un « BRISEUR de BLOCUS » Les allemands transformèrent ainsi une centaine de navires pour remplir cette mission .

Le « Falke » transformé en sperrbrecher.
On aperçoit un nid de pie d’observation
et un canon de 20mm anti aérien

Ces transformations consistent à le renforcer pour qu’il puisse ouvrir la route dans les champs de mines. Un dispositif de mise à feu à distance des mines est installé à bord et il reçoit aussi un armement important pour lui permettre d’assurer sa sécurité et celle des sous-marins qu’il aura la mission d’escorter.
Le 11 novembre 1940 le Sperrbrecher 134 rallie la 6èm flottille de briseurs de blocus basée à Concarneau.
Le journal de guerre de la Kriegsmarine note qu’à la date du 17 avril 1943 ce bâtiment a déjà accompli 150 missions d’escorte d’U-Boot . C’est devenu un habitué des coureaux de Groix car sa mission principale est d’ouvrir la route aux sous-marins qui entrent et sortent de la base sous –marine de Lorient.
En 1944, seules les alvéoles de cette base mettent en sécurité les sous-marins allemands. Il est loin le temps des retours triomphaux où les équipages étaient reçus avec honneur sur les quais et à la Préfecture maritime. Cette effervescence n’est plus. Les Alliés y ont mis un terme et les membres de la meute de l’amiral Doenitz rentrent et sortent en catimini sous la protection de leur navire escorteur .Les sous-marins ne peuvent plus comme au début de la guerre signaler leur arrivée par radio. Les avions du Coastal Command sont devenus leur prédateur et guettent leur moindre appel signalant leur présence.
Les escorteurs attendent donc les U-Boot en patrouillant au large de Groix et dans les coureaux.
Le 8 août 1944, commandé par le capitaine Hoffman, le Sperrbrecher 134 et ses 15 membres d’équipage sont au mouillage à quelques encablures des môles de Port Tudy.Il fait chaud en cette fin d’après-midi et ils peuvent voir les enfants qui se baignent à la côte d’Heno .
Les troupes américaines avec la Résistance avancent inexorablement vers ce qui va devenir la poche de Lorient et l’île perd peu à peu une partie de ses troupes d’occupation qui vont renforcer la défense sur le continent.
Au large, 6 bombardiers Halifax du Coastal Command en provenance d’un aérodrome du Pays de Galles sont en maraude.
Leur mission est simple : détruire systématiquement tout bateau reconnu comme ennemis. A bord, les hommes d’équipage scrutent la mer.

Il est 17h45 quand la formation volant très bas approche de la pointe de Pen Men. Le « flight leader » désigne à ses équipiers un navire mouillé sous Groix et ordonne aussitôt l’attaque.
Le combat va durer 12 minutes, 12 longues minutes pendant lesquelles l’équipage du « Falke » et les batteries anti-aériennes de l’île essayent en vain de détruire les avions. Ceux ci larguent par chapelet 54 bombes mais aucune n’atteindra de plein fouet le navire. Ce sont apparemment la violence des vibrations de ces bombes de 250 kilos explosant à proximité immédiate qui vont venir à bout de la coque du navire.
17h 57, une énorme flamme suivie d’une colonne de fumée s’échappe du bateau. Les servants d’une des pièces anti aérienne continuent de tirer alors que le bâtiment commence à couler. Les Halifax quittent les lieux sans dommage. L’équipage peut regagner le port.
Un témoin de l’époque se souvient de marins remontant à pied la côte de Port-Tudy vers le bourg « Certains n’avaient qu’une chemise sur le dos mais ce qui m’a frappé c’est qu’ils chantaient » Peut-être pour évacuer toute la tension accumulée pendant l’attaque. Ils étaient tous sains et saufs.
N’ayant plus de bateaux ils allèrent renforcer la défense de Lorient. Combien ont survécu ? On ne le saura sans doute jamais.

L’épave du Sperrbrecher 134 alias »Falke » repose toujours près de l’entrée du port et ne représente aujourd’hui aucun danger pour la navigation .
En 1989, le Service des Phares er Balises envisagea même de supprimer la bouée après avoir rasé les superstructures de ce qui restait de l’épave.
Mais les capitaines de la compagnie de navigation firent remarquer qu’en cas de très mauvaise visibilité elle restait une aide précieuse pour confirmer la position. Et pour les passagers, comment savoir, en attendant la sirène du bateau qu’on va enfin rentrer au Port ?

La bouée, NOTRE bouée, est toujours en place et le « Falke » alias Speerbrecker 134 reste vivant dans l’histoire mouvementée de l’île……A condition que la bouée jugée inutile ne soit pas enlevée un beau jour !

Ce texte a été librement adapté de différents sites sur Internet mais surtout d’un article paru dans » La Chaloupe »n° 186 de mars 1996 que l’on doit à Jean Humeau et Erwan Piriou.

Jean-Claude Le Corre à Groix le 1er juillet 2015

Commentaires :

  • je confirme qu’en 89 mon collègue roger turbé et moi avons dù insister lourdement pour conserver cet amer essentiel par temps de brume pour positionner le bateau vers l’entrée de port tudy .nos arguments de sécurité ont été entendus malgré l’argument de coùt d’entretien qui lui était opposé !le speerbrecker est donc toujours utile !!!

  • Bonjour,
    Merci à M. Le Corre pour cet article très intéressant.
    Je m’imaginais que le Speerbrecher 134 avait sauté sur une mine, et votre article m’a appris la vérité. Il faudrait demander au service des Phares et Balises et au SHOM de corriger le nom de la balise et de l’épave pour remplacer le "k" par un "h"...
    Amicalement.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.
Les commentaires non signés (nom ou pseudo) ne seront pas validés !

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
(Pour créer des paragraphes laissez simplement des lignes vides.)

L'agenda d'Henri
Webcam sur Port Tudy
Météo - Marée
Derniers commentaires :
Archives
Liens :
Autres sites amis :
Secours